Appréhender le travail de fin de carrière : Compte rendu de la troisième journée des rencontres cinématographiques « La classe ouvrière, c’est pas du cinéma ».

Pour cette troisième journée des 20èmes rencontres cinématographiques dédiées au travail en fin de carrière, Nathalie Aunoble, médecin du travail et coordinatrice de l’AHI 33, ainsi que Serge Volkoff, statisticien et ergonome spécialiste de l’âge et du travail, ont animé une table ronde en présence de Laurence Escande, violoniste pour l’orchestre national de Bordeaux. Trois films et documentaires ont également été projetés au cinéma l’Utopia.



Bien que le thème principal de cette troisième journée soit les fins de carrière, une réflexion sur les conditions de travail tout au long de la vie semble nécessaire pour identifier les causes et les solutions de la disparité de l’espérance de vie entre les catégories professionnelles. Depuis 2003, le terme de pénibilité est devenu courant dans les discussions sur les retraites. Selon la loi, il fait référence aux caractéristiques du travail qui réduisent la durée de vie. Mais pour le statisticien Serge Volkoff, c’est une notion qui mérite d’être utilisée au pluriel car son champ d’application concerne plusieurs sphères : l’exposition à des produits toxiques, le travail de nuit, les problèmes de santé, l’ennui ou encore la pression. Les conséquences de ces nuisances peuvent se manifester autant pendant la carrière qu’après, et ont tendance à s’accentuer avec l’âge. « Après 50, 55 ans, on voit diminuer la proportion des personnes qui travaillent dans un délai court. S’il y a sans arrêt des urgences, les seniors ne peuvent pas mobiliser l’ensemble de leurs compétences accumulées au fil des années, ils ont besoin d’une gestion du temps plus anticipatrice », explique Serge Volkoff. D’autres problèmes se posent : des états de santé qui limitent les capacités, une déstructuration du sommeil, des difficultés pour se reconvertir ou une perte d’intérêt pour le travail. Des dispositifs ont déjà été mis en place, comme le C2P qui permet de déterminer et de référencer les facteurs de risques professionnels d’exposition d’un travailleur, et de lui faire gagner des points lui permettant d’acquérir des droits (retraite anticipée ou temps partiel). « Lorsqu’on compare l’espérance de vie des rotativistes à d’autres métiers de l’imprimerie, on constate que celle-ci est diminuée, ce qui s’explique par certaines conditions de travail, notamment le travail de nuit », explique Serge Volkoff. « Les différentes lois successives des réformes des retraites ont tenté d’affirmer qu’elles tenaient compte de la pénibilité, mais il s’agit pour les pouvoirs publics de l’affirmer, sans pour autant la résoudre », regrette le statisticien.

Serge-Volkoff, statisticien et ergonome spécialiste de l’âge et du travail

Laurence Escande, violoniste professionnelle pour l’orchestre national de Bordeaux, a commencé à ressentir des douleurs dans les deux poignets en 2022, jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans l’incapacité totale de jouer en 2023. « C’est difficile de sentir quelque chose nous lâcher, de voir nos capacités s’amoindrir », témoigne-t-elle. Elle espère pouvoir reprendre en septembre 2024, avec la perspective d’un aménagement d’horaires. « Notre travail, c’est de préserver la santé des individus, et de permettre le maintien dans l’emploi, en proposant des aménagements ou des reconversions professionnelles selon le profil. On peut intervenir pendant les arrêts longs comme celui de Laurence Escande pour préparer le retour au travail », explique Nathalie Aunoble, médecin du travail et coordinatrice de l’AHI 33. En effet, lorsque l’emploi n’est plus compatible avec l’état de santé du travailleur, des solutions de reconversion peuvent être envisagées, même en fin de carrière. Des formations éligibles au CPF (compte professionnel de formation) et des bilans de compétences sont tout à fait envisageables. Des visites de mi-carrières (entre 43 et 45 ans) sont également effectuées pour évaluer les risques de désinsertion professionnelles. Enfin, il existe des visites de fin de carrière et de fin d’exposition, car certains composants comme l’amiante provoquent des effets néfastes visibles trente ans après le début de l’exposition.

Nathalie Aunoble médecin du travail et coordinatrice de l’AHI 33

Trois films et documentaires ont été diffusés l’après-midi au cinéma l’Utopia à Bordeaux pour illustrer les discussions de la table ronde. Le premier documentaire, réalisé par Thierry Mercadal, intitulé " L’Âge et le Travail ", aborde la période difficile que traversent les seniors en fin de carrière, qu’ils soient toujours en poste, menacés de licenciement ou en reconversion. À 16h, le film " Moi, Daniel Blake " du cinéaste anglais Ken Loach, raconte le calvaire d’un menuisier de 59 ans victime d’un arrêt cardiaque. Pour finir, à 20h15, le documentaire " Par la Fenêtre ou par la Porte " de Jean Pierre Bloc évoque le plan Next, durant lequel le nouveau PDG Didier Lombard a décidé de pousser 22 000 agents vers un départ volontaire, montant son mépris pour les salarié(es) de l’entreprise, déclenchant une vague de suicides au sein de l’établissement.

Ecrit par Laurie Marin


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