Bordeaux

L’affaire du « Massilia » (juin 1940)

Il y a 80 ans, le 21 juin 1940 à 12 h 30, 27 parlementaires quittent Le Verdon à bord du « Massilia » pour gagner le Maroc. Loin d’être anecdotique, ce départ constitue le début d’une affaire qui va durer plusieurs mois, comme nous le raconte Antoine Lebègue, auteur de l’« Histoire des Aquitains 1 » et du « Bordeaux des paquebots 2 ».



Le 18 juin 1940 à 14 heures Edouard Herriot, président de l’Assemblée Nationale, réunit ses collaborateurs, Perfetti et Barthe, pour leur annoncer qu’en raison de l’avance rapide des troupes allemandes on s’achemine vers un départ pour l’Afrique du Nord du président de la République, du gouvernement et des députés et sénateurs présents à Bordeaux. Sept heures après lors du dîner, pris rapidement dans l’hôtel particulier bordelais mis à sa disposition, le président Herriot leur précise qu’un accord a été réalisé entre le président de la République et le maréchal Pétain : le départ pour l’Algérie est décidé. Il ajoute que « l’accord est total, il n’appelle aucune réserve de la part du chef du gouvernement » qui restera à Bordeaux avec trois ministres pour attendre les Allemands.

Le Massilia

Le matin du 20 Herriot annonce aux députés qui l’ont rejoint que le navire désigné pour les transporter est le « Massilia », un paquebot de la Compagnie Sud Atlantique. Ce bâtiment ayant son port d’attache à Bordeaux est affecté normalement à la prestigieuse ligne de l’Amérique du Sud ; mais depuis le début de la guerre il a été repeint en gris pour servir de croiseur auxiliaire. Il est prévu que l’embarquement va se dérouler au niveau du hangar des Chargeurs Réunis, quai de Bacalan. Mais en fin de matinée l’amiral Darlan fait passer une note indiquant aux parlementaires que l’embarquement se fera au Verdon, l’estuaire étant miné à Pauillac. En revanche un convoi de voitures et d’autocars prendra les parlementaires à Bordeaux pour les amener au Verdon. Le départ est prévu pour 17 heures et le lieu de ralliement est l’école primaire de la rue Anatole France, siège de l’Assemblée nationale à Bordeaux.

Le Massilia avec sa livrée de guerre au départ pour Narvik

Sur le paquebot 600 cabines sont réservées pour les parlementaires et les fonctionnaires des deux assemblées. Tout semble prêt pour le grand départ, le président de la République et le gouvernement devant partir eux vers Perpignan où le Grand-Hôtel est réquisitionné pour les accueillir. Le chef de la Sûreté fait expulser tous les clients s’y trouvant, y compris le duc de Windsor. Tout semble prêt pour le départ. Mais c’est sans compter sur les manœuvres de Laval et Marquet. Ce dernier organise une réunion au Palais Rohan le 20 à 18 heures et convoque les députés et sénateurs, à l’exclusion des parlementaires anti-armistices. Le but de cette rencontre est évidemment de retenir à Bordeaux le plus grand nombre possible de parlementaires pour les empêcher de monter dans le car à destination du Verdon. Le piège fonctionne parfaitement ; à 21 heures seule une poignée (27) de députés et sénateurs embarquent à bord du transatlantique, ancré au large du môle d’escale. Une heure après, à Bordeaux, des élus demandent des explications au maréchal Pétain. Alibert, bras droit et âme damnée du vieux soldat, leur répond que le paquebot est déjà parti.

Coupure de presse de l’époque

Sur le « Massilia » les personnalités politiques, dont Édouard Daladier, Georges Mandel, Jean Zay et Pierre Mendès-France, sont accueillies par des sifflets et des insultes. Le 24 juin le navire accoste à Casablanca. Le général Noguès, résident général au Maroc et commandant en chef pour l’Afrique du Nord consigne les passagers à bord. Il obéit aux ordres du gouvernement du maréchal, bien qu’auparavant il ait été favorable au transfert des autorités et des armées outre-mer. En Métropole les prisonniers du « Massillia » sont attaqués par une campagne de presse qui se prolonge jusqu’en novembre 1940 (voir l’extrait du « Matin »). La cible privilégiée est Georges Mandel. Farouchement opposé à l’armistice puis à la collaboration, il apporte aussi une dimension girondine à l’affaire étant maire de Soulac, président du Conseil général, député du Médoc et adversaire résolu du maire de Bordeaux, Adrien Marquet.

Ecrit par Antoine Lebegue


Recherche

Nous suivre

Vous pouvez nous suivre sur les différents réseaux sociaux ci-dessous!


Newsletter!

Recevez directement le nouvelles actualités de Bordeaux Gazette.

Bordeaux Gazette Annuaire

Et si je vous racontais...

Chapitres : 1 - 2 - 3 - 4 - 5
Jeanne et Gédéon

Chapitres : 1 - 2 - 3 - 4 - 5
On ne sait jamais de qui l’on peut avoir besoin

Chapitres : 1 - 2 - 3 - 4
Et cum animo

Chapitres : 1 - 2 - 3
Une Vie de Chat

Chapitres : 1 - 2 - 3
Les Danseurs

Nous suivre sur Facebook

Agenda