Une première mondiale pour cette pièce promise à un bel avenir. Le sujet n’est pas frivole, mais nous concerne tous, son traitement nouveau en fait une réflexion sensible sur ce qui se passe quand un être cher souffre devant nous et que nous sommes dans l’incapacité de l’aider. Mais ce n’est pas mélodrame, mais une histoire émouvante et parfois ironique. L’action se déroule donc au chevet de Sébastien plongé dans le coma. Ses visiteurs, peu nombreux guettent le moindre bruissement inédit de son cœur ou tressaillement de paupières de cet homme dont on devine la silhouette alitée sur un lit d’hôpital. Ses parents viennent le voir quotidiennement et son ami Franck tous les ans. Ils ont tous quelque chose sur le cœur, un secret qu’ils n’ont jamais révélé. Jusque-ici, ils conservaient toujours l’espoir qu’il « passe une porte » comme le dit sa mère, celle qui mène à la lumière de la vie ou plus loin, mais à cet anniversaire, ces dix ans, ils ont un doute. Et si cette langueur ne finissait jamais et même, si elle perdurait jusqu’après leur propre disparition ?

crédit : Club photos de Bordeaux

Pour cette année si terriblement particulière, l’espoir n’existe plus, il ne leur reste que l’attente. L’énigme de la vie perceptible encore dans cet être, dont on ne sait s’il est encore là ou déjà ailleurs. Pour cet atroce anniversaire, ce sont des confessions, des rancœurs amères qui éclatent. Franck qui était là le jour de l’accident va enfin expliquer ce qui s’est réellement passé et à leur tour, les parents seront confrontés à leurs propres zones d’ombre. Egalement, l’absence récurrente d’une femme importante pour Sébastien est peut-être aussi la clé d’un mystère. Pas de lamentations et peu de larmes sinon une froide lucidité comme s’il avait fallu attendre ces dix années pour qu’enfin tombent les masques. Ces trois-là ne partagent plus grand-chose sinon leur amour pour ce garçon endormi qui ne se réveille plus jamais et dont ils ne savent pas très bien s’ils doivent à présent s’y résigner. On s’émeut devant ces personnages, on découvre leur complexité, leur lâcheté qui nous est si touchante. L’euthanasie traverse l’esprit de certains des personnages, mais aucun d’eux ne veut devenir l’ange de la mort. Le malheur de Sébastien est également une douleur de chaque instant pour ses proches. Ils comprennent bien que la fin de leur tragédie commune est une douleur plus grande encore, mais qui sera une délivrance pour tous.

crédit : Club photos de Bordeaux

Ce drame, loin d’être un documentaire verbeux porte la pensée et l’originalité d’un esprit, l’incarnation d’une imagination, c’est une œuvre d’artiste On se relie à ces êtres dont on partage la pauvre humanité. Dans la salle on ne peut s’empêcher de penser que le jeune homme plongé dans le coma perçoit peut-être ce qui se passe autour de lui, sorte de témoin muet, tout comme le spectateur l’est lui-même ! et c’est un étrange sentiment. Les acteurs ; Vincent Gaud, Thierry Navailles, et Dani Avignon sur une mise en scène de Dani Avignon. Pour ceux qui aiment s’émouvoir et réfléchir sans s’ennuyer ! Quel plaisir de se poser dans une salle confortable pour se plonger dans les méandres d’une histoire qui se vit devant nous. Les jours rallongent et au sortir du théâtre, la ville s’engourdie, plongée dans une ombre encore claire et rosée favorable à la méditation sur la beauté parfois si cruelle de la vie.
Plus que quelques représentations :
Jeudi 31 mai à 20 h
Vendredi 1er juin à 20 h
Samedi 2 juin à 20 h.