Bordeaux

Histoire de la difficile construction du Grand Théâtre, chef-d’œuvre de Victor Louis

Un des chefs-d’œuvre de notre ville, si ce n’est le chef-d’œuvre de notre ville, le Grand-Théâtre, ne fut pas construit sans difficultés ni douleurs, financières avant tout, mais pas seulement. Entre l’architecte Victor Louis et les Jurats rien ne fut simple. Histoire …..



Après avoir obtenu le grand prix de Rome en 1755, Victor Louis (1731-1800), de son vrai prénom Nicolas, séjourne en Italie jusqu’en 1759. En 1765 appelé par Stanislas Poniatowski, roi de Pologne, il prend le titre de premier architecte du roi de Pologne. Une rencontre avec le duc de Richelieu va bouleverser son destin. A la demande du gouverneur de Guyenne, le maréchal de Richelieu, Victor Louis arrive à Bordeaux en 1773. En plus du Grand Théâtre, il fait les plans de l’hôtel de Saige, du Grand hôtel de Bordeaux, de la maison Gobineau, du château de Tauzia à Gradignan, du château Raba à Talence, du château du Bouilh à Saint-André de Cubzac, et bien d’autres constructions à Paris et en province. Après avoir travaillé sur le projet du Grand Théâtre pendant plusieurs mois, Victor Louis voit ses plans agréés par les jurats et enregistrés au Parlement le 13 novembre 1773. Les fonds destinés à cet ouvrage doivent provenir de la vente des terrains du château Trompette.

Le grand Théâtre habillé de lumière
photo Bordeaux Gazette - Bernard Lamarque

Le 30 Avril 1774, l’intendant Esmangart s’inquiète : « On n’a encore rien vendu … on fait une dépense effroyable … on prend des fonds dans la caisse de la ville … on ne rend compte à personne ». La découverte par les terrassiers dès le début des travaux, des fondations romaines des Piliers de Tutelle qu’il faut enlever, ne va faire qu’alourdir le devis.
Victor Louis va rencontrer beaucoup de difficultés financières et souvent s’opposer aux jurats avant tout soucieux des finances de la ville pour la construction du Grand Théâtre. Ainsi peut se résumer l’histoire de la construction, des travaux ardemment conduits par un architecte de génie dont les dépenses précèdent et excèdent toujours les recettes. Un gouverneur décidé à construire cette salle et à la construire magnifique. Une Jurade réticente, à cours d’argent, furieuse d’avoir à payer sans avoir le droit de choisir et de commander, ni dans l’avenir celui de la gestion et du bénéfice.

Portrait de Victor Louis attribué à Claude Robin
(C) Copyright Direction des Musées de France, 1994. Cliché musée des beaux-arts de Bordeaux.


"J’eus à lutter, raconte Victor Louis contre les citoyens de qui je devais attendre l’encouragement et le soutien" : leur persécution fut une hydre qui se reproduisit du début jusqu’à la fin de l’édifice ». Après sept ans de travaux, le Grand Théâtre est enfin inauguré le 7 Avril 1780, avec la représentation d’Athalie de Racine et du Jugement d’Apollon de Blincourt.
En permanence en butte aux jurats qui lui refusent le titre de bourgeois de la ville, déçu, Victor Louis quitte Bordeaux, le 6 juin 1780. Il écrit à l’intendant Dupré de Saint-Maur pour lui réclamer un impayé de 50.000 livres et ajoute dans sa lettre : « J’ai l’âme peu intéressée, mais ce que je n’oublierai jamais c’est le dédain de ces Messiers les jurats, leur malhonnêteté et le peu de justice qu’ils m’ont rendue. Croiriez-vous Monsieur, qu’ils ne m’ont pas dit mot, un seul mot, sur l’ouvrage important que je viens de faire dans leur ville ? J’espère et c’est ce qui me console, que le temps m’en fera raison, et que la postérité et les honnêtes gens m’en dédommageront »
En 1783 Louis publie un recueil pour se défendre de « l’accusation d’avoir ruiné la ville et réfuter les calomnies dont il a été victime.
Le chef-d’œuvre de Victor Louis reste incontestablement le Grand Théâtre. Il fait l’admiration de toute l’Europe. En raison de ses proportions proches du nombre d’or, l’édifice dégage une grande impression d’harmonie. Victor Louis franc-maçon, parsème son œuvre d’allusions au symbolisme ternaire, tout en adaptant le style antique.

A l’incontestable valeur esthétique de l’ouvrage, s’ajoute une exceptionnelle acoustique due à l’ossature de bois qui enveloppe le théâtre. Louis se montre avant-gardiste avec l’éclairage indirect de la salle. L’escalier d’honneur à triple volée servira de modèle à Charles Garnier pour la construction de l’Opéra de Paris. Le Parlement et la Jurade, ayant boudé et ignoré Victor Louis tout au long du chantier, la visite sur le chantier, en 1776, du duc de Chartres (ce prince lui fera construire le Palais-Royal et la Comédie Française) et celles, particulièrement attentives et bienveillantes, en 1777, de l’empereur d’Autriche, des comtes de Provence et d’Artois, le dédommageront de cette ingratitude et de ce dédain.
Le ton de misère de la Jurade, dont certains membres estimaient que : « Cette salle est un édifice d’un luxe scandaleux, disproportionné à une ville de province », sera assez vite oublié, pour le plus grand bonheur des bordelais.
Sources : Histoire des Maires de Bordeaux - Les dossiers d’Aquitaine.

Ecrit par Dominique Mirassou


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