Bordeaux

La destruction du temple des « Piliers de Tutelle » : une inestimable perte pour le patrimoine architectural de Bordeaux …

Durant tout le mois de février 1677 et pendant les mois suivants, le tout puissant roi Louis XIV, fit procéder à la démolition du temple des Piliers de Tutelle, un des plus beaux ouvrages de l’antiquité, œuvre essentielle du paysage architectural bordelais de l’époque.



Un superbe temple …

Si le sous-sol bordelais renferme de nombreux vestiges romains, seul, en élévation et malheureusement en grande partie détruit, demeure le Palais Gallien, arène à l’époque de plus de 20.000 places. Le Temple des Piliers de Tutelle fait quant à lui partie des monuments célèbres de notre ville dont il ne reste rien hormis quelques vestiges visibles au Musée d’Aquitaine.

Datant de la fin du 2ème/début du 3ème siècle, le temple formait un rectangle de 30 mètres sur 22, bordé de 24 colonnes d’ordre corinthien ayant chacune 1,35 m de diamètre. Chaque colonne était surmontée d’une statue de 3 mètres de haut, leurs fûts cannelés supportant des chapiteaux gravés. L’édifice était à claire-voie, dépourvu de toiture, constituant un temple à la fois colossal et aérien.
Les Piliers de Tutelle, aujourd'hui disparus
Les raisons de sa construction …

Ces piliers ont longtemps été considérés comme un temple dédié à la déesse immortelle, protectrice et tutelle de la Cité. En 1550, l’historien Elie Vinet attribue ce temple à une déesse de la fécondité du nom de Tutèle. D’autres historiens évoqueront un temple païen consacré à Minerve, déesse de la Sagesse et mère protectrice. Des études récentes laissent à penser que ce superbe édifice avec vue sur la Garonne ne servait tout simplement qu’à démontrer la puissance de Burdigala qui venait d’être désignée capitale de la région romaine d’Aquitaine, au détriment de Saintes.

Après l’effondrement de l’Empire romain, dès le Vème siècle le monument est laissé à l’abandon, seuls ses sous-sols avec la cave voûtée seront utilisés comme cabaret.

Son emplacement, au coeur dans la ville …

Dans les années 1773 à, 1780, la construction du Grand-Théâtre par Victor Louis va anéantir les derniers vestiges du temple contenus dans le sous-sol, avec cependant en 2003, la découverte par les archéologues de l’INRAP d’un mur d’enceinte, à l’extrémité de la rue Sainte Catherine au pied de la façade du Grand Hôtel, cœur de l’antique forum. Ce mur d’enceinte représente grosso modo l’axe de la rue Sainte Catherine, soit le cardo romain à quelques mètres du passage du décumanus maximus : nous sommes donc bien là, au cœur de la ville romaine.

Selon Wandel Migeon il est tout à fait frappant de constater que les constructions de l’époque moderne (17ème siècle) se sont parfaitement calées sur les plans romains.

Histoire de la condamnation à mort du temple …

En 1652, la population bordelaise gronde, les bourgeois bordelais créent le mouvement de l’Ormée et prennent le pouvoir. Des canons sont installés près des Piliers de Tutelle pour attaquer le château Trompette.

En 1675, alors que l’Ormée est depuis longtemps dissoute, rue du Loup, des commis du fisc verbalisent un potier, en présence d’une foule révoltée  ; de nouvelles émeutes éclatent, le lendemain la mairie est assiégée. Louis XIV « roi tout puissant » n’admet pas de révoltes dans ses provinces et fait remonter d’Espagne 18 régiments qui rentrent dans Bordeaux le 17 novembre 1675 sous les ordres du Maréchal d’Albret. Les soldats vont tuer, violer, piller, incendier.

Entre autres mesures punitives à l’égard de la ville, Louis XIV ordonne de « mater la populace », de détruire la flèche Saint Michel, de faire raser les plus belles maisons (plus de 1000 seront détruites), d’abattre deux couvents et de démolir le monument païen des Piliers de Tutelle, ce qui permettra d’agrandir le Château Trompette. Nous sommes en 1677, si le « patriotisme bordelais » parvient à sauver la flèche Saint-Michel de la destruction, le Temple n’échappera pas à cette condamnation à mort par un roi rancunier abusant sans retenue de son pouvoir absolu.


Une immense perte …

Bordeaux venait ainsi de perdre avec les Piliers de Tutelle un élément majeur de son patrimoine historique et architectural, tout aussi prestigieux que les églises gothiques. De nombreux artistes et personnalités de l’époque ont déploré cette destruction, faisant dire encore aujourd’hui à d’éminents spécialistes : « On peut sans exagérer comparer la ville telle qu’elle se présente depuis la date fatidique de 1677 à ce que serait Rome sans Colisée et Nîmes sans Maison Carrée.

Regrets quelque peu tempérés par la réussite architecturale de Victor Louis avec le Grand Théâtre, même s’il n’est pas interdit de penser que Bordeaux et les bordelais se seraient très bien accommodés de la coexistence de ces deux chefs d’œuvre, et que la rage d’un roi tout puissant, fit en cette occasion, le malheur de notre ville dans bien des domaines.

Sources : Dossiers d’Aquitaine

Ecrit par Dominique Mirassou


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