Le contraste entre les murs de pierre jaunes formant des arches classiques et les oeuvres pop et modernes qu’ils abritent est immédiatement flagrant. De la première pièce d’exposition à la dernière, le visiteur naviguent dans des installations et des oeuvres qui débattent entre elles. Aucune ne se ressemble même si certaines sembles aborder le même thème. Installations pour l’exposition Amour Systémique au Capc. Cette exposition reprend un thème longtemps exploiter par les artistes car évocateur de plusieurs formes de pouvoirs et de volontés. Les grilles sont centrales au mouvement cubiste et sont exploitées comme moyen de se distancer de l’art par le récit et la représentation. Mais avec la suppression du récit vient la suppression de l’expression, et la grille est donc également symbole de ce qui nous enferme. Plus loin que l’évidence de la cellule de prison, c’est la métaphore d’un emprisonnement par la rationalisation et la quantification. Avec une grille on créer une échelle, et on peut alors comparer et classifier les individus selon des critères abstraits que l’on fait passer pour scientifiques : la grille est la nécessité et la naissance du totalitarisme.

Dahn Vô, 2.2.1861, 2009

Cette exposition souligne l’étrange tension entre la volonté de rationalisation des choses et la recherche de nouvelle perspective dans le sens d’une valorisation de la réflexion au lieu d’une acceptation automatique du récit classique (comme dans le mouvement cubiste), et de l’envie de contrôler ou de se laisser contrôler. Car si elle enferme et nous défait de nos libertés, la grille totalitaire nous laisse le confort illusoire de ne pas choisir. Ce projet met en lumière cette fine limite entre le besoin d’un système pour nos sociétés et la nécessité de constamment en changer. L’exploitation de ce thème nécessite une honnêteté artistique et intellectuel, présente tout le long, car les questions que cela soulève sont les plus délicates à aborder car elles ne sont pas de l’ordre du rationnel : « Si la grille est symbole d’ordre ou de norme, quelles relations affectives pouvons-nous tisser avec celle-ci ? L’amour des systèmes est-il lui-même systémique ? Une relation est-elle même souhaitable ? Et, si non, comment rompre ? » écrit le commissaire de l’exposition Cédric Fauq.

Sung Tieu, Anti-Vandal Clock (New Delhi), 2023

En se donnant la peine de chercher et de mettre en lumière les systèmes qui régissent ou contraignent nos actions pour mieux les connaître et les déjouer, et en trouvant d’autre fonctions que le contrôle et la production d’uniformité au thème de la grille, cette exposition apporte un regard nouveau sur une question éternelle. L’exposition nous engage à penser nos systèmes différemment pour exploiter leurs qualité universalisante. Elle nous rappelle cependant l’importance de sa remise en question constante : universalité n’est pas synonyme de neutralité ou d’égalité et il faut donc accepter la responsabilité de choisir ce que l’on accepte comme système.