Quels que soient les chiffres retenus, quelles que soient les analyses conjoncturelles des uns et des autres, force est de constater un phénomène croissant de non participation électorale qui permet d’affirmer que désormais, le premier « parti » de France est sans conteste celui des abstentionnistes.
Abstention galopante
En effet, si on se réfère aux estimations officielles selon lesquelles 15% de la population en âge de voter serait absente des listes électorales, pour les prochaines élections départementales, alors que les sondages prévoient une participation de 45%, c’est à une participation effective de 39% par rapport aux électeurs potentiels à laquelle nous devons nous attendre. Pas vraiment de quoi se réjouir de l’attractivité d’une démocratie qui fait de moins en moins recette.
Les raisons : scandales et dérives
Avec « l’abstentionnisme passif » qui est celui de l’indifférence, de la méfiance, voire de l’incompétence et « l’abstentionnisme » actif qu’est celui de la contestation et du rejet du monde politique, on constate clairement que l’abstentionnisme n’a fait que croître tout au long de l’histoire de la Vème République, au même rythme que le désintérêt et la méfiance des français vis-à-vis du monde politique.
Entre sentiment que gauche et droite livrent un peu les mêmes discours, pas toujours perçus comme pertinents, sentiment d’incompétence, méfiance pour ne pas dire hostilité croissante vis-à-vis des partis politiques, les électeurs français constatent que trop souvent les intérêts divergent entre électeurs et politiciens, que les grands problèmes tel le chômage ne sont pas résolus, que la multiplication des scandales financiers devient insupportable. Les partis sont discrédités tant par les dérives financières que par les querelles de chefs, querelles le plus souvent d’ailleurs, fort peu soucieuses des problèmes concrets du « monde réel ».
- L’abstention aux elections cantonales
- source graphique
Abstention contestataire. Légitimité du pouvoir
Suite logique du manque de confiance des électeurs envers les hommes politiques, l’abstention contestataire permet ainsi à l’électeur d’exprimer son désaccord sans pour autant rallier les mouvements extrémistes avec cependant pour conséquence fâcheuse, des politiciens, élus par une faible proportion de la population, qui voient leur légitimité et leur crédibilité de plus en plus affaiblies.
Alors que c’est le vote des citoyens qui fonde la démocratie représentative, il y’a de quoi se demander jusqu’à quel niveau d’abstention, le système peut raisonnablement conserver sa crédibilité ? Lorsqu’un élu se trouve légalement en mesure d’exercer son mandat après avoir obtenu un score d’à peine plus de 20% des suffrages des électeurs potentiels, il devient difficile de parler de succès électoral ou encore de victoire de la démocratie. Entre un vote important en faveur des extrêmes et une abstention en constante progression, notre pays connait une situation inquiétante. Nul doute que la population française a de gros progrès à faire en matière de civisme et que la démocratie dont nous ne semblons plus très bien apprécier les bienfaits, se porte plutôt mal dans notre pays.
Il est par ailleurs assez clair que les partis qui nous gouvernent depuis plus de trente ans, quoi qu’ils en disent, ne sont pas étrangers à cette regrettable situation et que les prochaines « joutes électorales » départementales ou autres, avec « leurs inévitables vainqueurs triomphants », risquent bien une fois de plus, de masquer l’important au profit de l’accessoire et du superficiel. A force de voir la classe politique confondre ses propres intérêts avec ceux de la population et s’efforcer d’éviter que l’on s’attaque enfin aux causes majeures de cette très forte abstention, il se pourrait bien que le pays se fracasse non pas sur le FN, mais sur l’incompétence et l’indifférence de nos grands partis. Ne cesser de désigner et de montrer du doigt le diable ne constituant pas un programme et ne provoquant guère l’adhésion des électeurs, il est malheureusement fort probable que l’abstention protestataire ait encore dans notre pays, de très beaux jours devant elle.

Ecrit par Dominique Mirassou
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