Le Crime de la Pizzéria
Tino que personne n’appréciait beaucoup a été retrouvé assassiné le nez dans sa pizza quatre fromages.
CHAPITRE 4 L’homme que personne n’aimait.
Léo en professionnel qu’il était, voulut être sûr que les proches de Tino sur qui la police avait déjà enquêté avant lui, n’étaient vraiment pour rien dans le décès prématuré de ce dernier.
Le patron de Tino, un grand type plutôt sympathique, accueillit Léo avec amabilité jusqu’à ce qu’il évoque le prénom de Tino.
Ah je vois, écoutez la police a vu que je ne risquais pas de l’avoir assassiné puisque j’étais à Niort pour un forum inter assureurs. J’ai même fait plusieurs conférences devant des tas de gens.
Je sais, je voulais que vous me parliez, vous aviez des problèmes avec lui, je crois.
Oui un fainéant ! pardon Paix à son âme, mais je crois que même lui, il le savait et il le revendiquait ! je l’ai surpris en train de s’en vanter auprès de Marie-Ange la secrétaire. Inutile de vous dire que je l’ai menacé de le virer. J’ai eu le sentiment désagréable que cela l’amusait beaucoup. Il arrivait toujours en retard, il rendait les dossiers à moitié faits et bourrés d’erreurs ! Il a eu le réflexe de faire jouer un soi-disant handicap qu’il a sorti de son chapeau ! C’est une honte de profiter ainsi du système, quand je pense que des gens qui en auraient vraiment besoin n’y ont parfois même pas droit ! Enfin je ne vais pas vous faire un dessin, j’ai été obligé de le garder, mais il a atterri dans un bureau et on ne lui a rien donné à faire, sinon le menu de la cantine. Bon à la vérité, j’ai ma boite qui doit changer de main, aussi je n’en avais plus rien à faire ces derniers mois de ce parasite, j’avais trouvé un repreneur. Dans une semaine je pars vivre à Arcachon.
OK je vois, merci.
Ce type n’avait aucun intérêt à se débarrasser de cette façon de Tino.
Marc, l’ami de poker était parti en Dordogne et quand il l’eut au téléphone, il lui fut répondu que ce n’était pas du tout son ami, que c’était un menteur et qu’il ne voulait plus jamais entendre parler de lui. À la nouvelle de la mort de Tino, il se trouvait dans une salle de jeu entouré de tas de personnes focalisée sur leurs cartes et sur les visages des autres à l’affut de la moindre mimique significative. Il se débarrassa de Léo, prétextant que le destin de Tino ne le concernait pas et qu’il avait autre chose de bien plus intéressant à faire ! Léo trouva une vidéo de la partie et de tous les joueurs à l’heure du crime qui avait été prise à plusieurs kilomètres de là.
Rien de neuf, donc. La concierge, une petite femme toute menue de quatre-vingt-dix ans, n’avait pas non plus le profil d’une criminelle. Quand Tino s’était vu sur le film de la caméra de surveillance en train de défoncer la voiture de la concierge, il l’avait dédommagé.
L’enquêteur Léo Bonaventure décida qu’il était temps d’aller visiter le lieu où résidait la victime. Tino, jusqu’à présent, faisait l’unanimité : tout le monde le détestait.
.....
Celle qui avait payé Léo pour s’occuper de l’affaire, il ne l’avait jamais vu et elle n’avait pas dit qui elle était ni pourquoi elle désirait tant connaitre l’assassin. Elle lui avait envoyé une boite avec des tas de beaux billets de banque. Il savait donc juste qu’il s’agissait d’une femme dont il ne possédait que l’adresse mail veracruz@caramba.fr.
Léo était loin d’être dans le besoin, mais cette affaire l’intéressait surtout parce que l’enquête de police n’avait rien donné alors que ce type paraissait être exécré par la terre entière. Il revoyait scrupuleusement les alibis de tout le monde pour mieux connaître la victime.
« Un homme Tino, d’une quarantaine d’années est retrouvé mort dans l’arrière-cour d’une pizzéria bordelaise, le patron affirme que le couteau planté dans la poitrine du malheureux ne fait pas partie du service utilisé pour les convives »
Les journaux avaient donc annoncé la mort du dénommé Tino avec force détails notamment sur la carte du restaurant, mettant l’accent sur la promo du mois d’une calzone achetée ; une pizza peppéroni offerte !
Le journal froissé gisait sur le siège à la place du mort, dans la voiture de Léo. Après avoir interrogé la famille, et la presque fiancée, il allait enfin visiter la maison du défunt. Il dénicha une petite échoppe à la Bastide. La pierre de façade était presque noire de saleté. En entrant, après avoir refermé la porte derrière lui, il fut frappé par le bruit continu du passage des voitures sur l’avenue Thiers qui constituait un ronronnement agressif malgré la limitation à cinquante à l’heure. Léo, jeune homme futé, en déduisit qu’il n’y avait pas de doubles vitrages.
Une pièce dite noire sans fenêtre au centre de la maison constituait le cœur du logement qui s’avérait d’une propreté méticuleuse, mais froide. Quel étrange bonhomme ! tout ici évoquait la tristesse et la solitude. Un fauteuil, une télévision dans le salon et dans la cuisine, un four et un frigo vide. Une minuscule chambre avec un lit une place et une salle de bain exigüe. Le tout baignant dans une atmosphère jaunâtre comme si la vie entière de Tino avait reçu, année après année des couches de tristesse. À première vue, la victime ne fumait pas, ne buvait pas et n’avait aucun hobby sinon celui d’ennuyer ses semblables.
Dans la pièce centrale si lugubre, Léo s’habituait au manque de lumière. Un guéridon recouvert d’un tissu bleu marine avec au-dessus une boite à la blancheur lactescente apparut, ressortant soudain dans cette noirceur. Léo pensa aussitôt à l’inconnue qui l’avait payé pour enquêter sur la mort de Tino, car la boite ressemblait en tout point à celle qu’elle lui avait envoyée. En effet, il avait reçu dans le colis quelques jours auparavant avec l’argent, une longue lettre rédigée dans un style desséché qui finissait par « il faut absolument savoir qui a assassiné Tino » et surtout, en plus des espèces, pour ces menus frais sans doute, un gros chèque accompagnait cette missive qui ne donnait aucun autre détail ni sur l’enquête ni sur l’auteur de la lettre. Le chèque mentionnait seulement « association des lépidoptères en danger ».
Il ouvrit la boite mystérieuse et découvrit un papillon tout sec. L’animal piqué sur une carte de visite blanche sans inscription sinon le dessin stylisé d’une couronne. Le nom de Monarque vint aussitôt à l’esprit de Léo. Il fit une recherche et retrouva de quel animal il s’agissait. En effet, le grand papillon jaune et noir était bien le papillon Monarque.
Le monarque (Danaus plexippus) est une espèce de papillons de la famille des Nymphalidae (sous-famille des Danainae), principalement américaine. Ce grand papillon est célèbre pour ses migrations de grande ampleur en Amérique, où il se déplace par groupes de millions d’individus sur des distances pouvant atteindre 4 000 km, deux fois par an, d’août à octobre vers le sud (surtout au Mexique), et au printemps vers le nord.
L’animal épinglé ignorait ainsi qu’il finirait sa vie loin de son grand continent natal dans la maison d’un pauvre type mal aimé.
Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk