Le Crime de la Pizzéria
Tino, que personne n’appréciait beaucoup, a été retrouvé assassiné le nez dans sa pizza quatre fromages.
CHAPITRE 9 Prenons la vie avec philosophie !
Léo appela Virginie le lendemain pour reprendre rendez-vous. La veille, il n’avait pas voulu insister devant l’état de fatigue de la jeune femme et sa propre allergie aux mimosas. C’est la sœur de Virginie qui toute éplorée lui répondit.
Virginie est décédée d’une crise cardiaque.
Il s’écria :
Mais je l’ai vu hier matin, elle avait l’air fatiguée, mais c’est tout !
C’est après votre visite, je suppose qu’elle a été prise de malaise. Cela n’a pas été long, pense le médecin, j’espère ! un sanglot interrompit les dernières paroles de la sœur, elle est partie sans bruit toute seule, quand je suis passée à midi, on devait manger ensemble, elle était morte.
La jeune femme pleurait franchement, elle balbutia :
Pardonnez-moi...
Je vous en prie, toutes mes condoléances !
...
Le professeur Gabin Morgan possédait un nom prestigieux si on prenait la peine de le décortiquer en deux parties distinctes, et si on venait du XX° siècle. Dans son cas personnel, par contre, il n’évoquait rien de plus qu’un vieux bonhomme au costume de velours un peu râpé, une écharpe bleue enroulée élégamment autour de son cou et sur sa tête un chapeau blanc type stetson où quelques cheveux rares se dissimulaient. Pour finir, une haleine de réglisse, et enfin un air pensif et pénétré qui en fait ne reflétait pas vraiment la réalité. Si Gabin avait été autrefois professeur de philosophie, il ne restait de cette belle discipline que l’habitude de réfléchir sur tous les sujets. Cela n’aurait pas été une mauvaise chose si hélas pour tous ses illustres prédécesseurs amoureux de la sagesse, Gabin quant à lui, ne ressassait que des idées noires plus qu’il ne philosophait.
Il se lamentait sur tout, sa vie l’avait rendu avare, mesquin et pleurnichard. Il ruminait un goût amer et une envie saumâtre de se venger de tous les habitants de la terre. Heureusement, il gardait pour lui ces idées sales et affichait malgré tout un sourire plat pour tous ceux qui le côtoyaient.
Mais enfin, ce jour-là, l’attendait un sujet de satisfaction, il venait de recevoir une jolie boite dans lequel un papillon monarque était épinglé avec une gentille dédicace : à mon cher professeur dont je connais le goût pour les lépidoptères. Une petite bouteille de liqueur de poire, la préférée du professeur, accompagnait le tout. Pas de signature. Tout guilleret, il se promit de déguster sa liqueur le soir même devant un vieux film sentimental.
Il vivait seul depuis deux beaux divorces qui lui avaient coûté assez cher et un troisième dont il avait eu un fils qu’il ne connaissait pratiquement pas. La mère étant partie depuis très longtemps pour une ville lointaine. Il ne s’en plaignait pas, car celle-ci ne lui avait jamais rien demandé comme pension ni pour elle ni pour leur rejeton. Il est vrai qu’elle gagnait bien mieux sa vie que lui.
Il y avait seulement vingt ans de cela, Gabin était un homme plutôt charmant ; le regard velouté, une musculature assez développée et une façon de s’exprimer que certains mauvais coucheurs auraient qualifiés de soporifiques, mais qui avaient su séduire ses différentes épouses avant que le sortilège ne disparaisse pour laisser place à une réalité moins amusante.
Mais qui était ce mystérieux expéditeur, il pensa plutôt à une expéditrice. Pour lui, son charme opérait toujours ce qui lui avait valu pas mal de déconvenues ses dernières années, mais il ne s’était jamais résigné à se voir tel qu’il était. Oui, une femme, mais qui ? La fausse blonde de la poste qui derrière ses lunettes jetait toujours sur lui son regard de myope qu’il interprétait comme de la tendresse ?
Plutôt une ancienne du club de papillons... Virginie ? Aucune idée sur l’endroit où elle pouvait être, Barbara ah si seulement... quelle belle femme ! Mais aujourd’hui, quel âge aurait-elle ? Quarante ans...Il était sûr que même dans la quarantaine, elle aurait pu être encore très belle.
Kitty, mais oui ! Il se souvenait qu’elle le badait ! Bon ce n’était pas un prix de beauté, mais elle était très intelligente et ses conversations tout à fait passionnantes. Elle aurait...Cinquante ans, au moins, cela n’augurait rien de bien intéressant. Il n’avait pas été quitté par toutes ces belles femmes pour finir sa vie avec une mocheté ! Non, la solitude lui convenait parfaitement. Il cessa la nomenclature de son ancien club de papillons pour penser à la bonne soirée qu’il allait passer avec sa bouteille.
Le fait est qu’elle était excellente ! une Morand Williamine, sa préférée ! « Élaborée en Suisse avec une fermentation de 10 à 30 jours suivie d’une lente distillation effectuée à l’aide d’alambics en cuivre » c’était le discours alléchant inscrit sur l’étiquette.
C’est vrai, sa vie ces derniers temps, n’avait pas été très joyeuse et ce cadeau lui faisait réellement chaud au cœur, il but toute la nuit jusqu’à ce qu’un sommeil truffé de cauchemars le submerge juste avant de décéder.
Quand Léo contacta le professeur de Philo qui en fait était à la retraite, ce fut trop tard. Il chargea sa chère et délicieuse petite sœur, en l’occurrence moi, de chercher les survivants. Sur six Tino, Barbara, Virginie et maintenant Gabin, tous morts, il ne restait que la dresseuse de Chats Kitty, enfin Corinne...et le fameux Ysengrin... et si c’était lui l’assassin, car enfin, les loups ne sont pas connus pour faire des cadeaux à leur proie.
Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk