Léo, perplexe, contemplait son ex en collant latex. J’étais témoin de la scène et j’avoue que je ne comprenais pas grand-chose. Léo, moitié gêné, moitié amusé, ne disait rien. Bettina devant son embarras s’esclaffa :

 Voyions ! tu sais bien, c’est Carnaval ! Je suis déguisée en chat !

 Ce n’est pas censé porter une fourrure, un chat ? questionna Léo qui alors comprit

le pourquoi des moustaches et des oreilles pointues.

 Figure-toi que je n’ai trouvé que ça à la friperie. Bon ! c’est gris et tous les chats sont gris n’est-ce pas ?

 OK je comprends. Tu venais pour quoi ?

 Je voulais savoir si tu pouvais garder Polly.

 Ben non

 Pourquoi ?

 C’est ta chienne et elle me déteste.

 Tu exagères, elle ne te déteste pas, et même je trouve que vous commencez à devenir complice.

S’esclaffant, elle ajouta :

 Elle me parle tu sais, elle me raconte des trucs, je t’assure, tu ne lui dis pas du mal de moi j’espère !

Cette dernière phrase dite sur le ton de la plaisanterie n’amusa pas Léo. Avant qu’il ait eu le temps de lui répondre qu’ils ne se côtoyaient jamais son chien et lui, un énorme Patou des Pyrénées, entrait avec un gros WOUAF, posant ses énormes papattes sur ses épaules. La grosse tête poilue dépassait presque celle du pauvre Léo dont les un mètre soixante-seize peinaient à lui conserver une réelle supériorité sur l’animal.

Bettina disparut aussi vite qu’elle était apparue, laissant Léo à la merci de la dénommée Polly.

Je voyais l’impressionnant molosse pour la première fois. Je compatis pour Léo et souhaitant détourner la conversation sur un autre sujet, je déclarais :

 C’est rigolo ce nom Polly, ce n’était pas le nom d’un poney dans un dessin animé ?
Pour quelqu’un qui souhaitait changer de sujet, Je réalisais aussitôt mon erreur d’aiguillage.

 Oui ! tu as vu l’engin ? Tu ne trouves pas que cela lui convient très bien ?

 Oui, pas faux, vous avez la garde partagée du bestiau comme avec Camomille.

 Pas du tout, cela faisait deux ans que nous étions séparés quand elle a trouvé ce chien abandonné par un papy dans la maison de retraite. Le malheureux ne l’avait pas fait exprès, il venait de passer l’arme à gauche. J’ai eu le malheur de lui dire que je l’aiderais si elle en avait besoin, mais pour moi c’était la promener de temps en temps, lui acheter des croquettes ou bien à la rigueur l’amener chez le vétérinaire, pas de la garder ! cela dit Camomille adore Polly.

 C’est drôle, elle ne m’en a jamais parlé. C’est vrai qu’elle ne me parle pas.

J’avais sûrement dit cela avec un peu de regret et d’amertume dans la voix, car Léo se crut obligé de me dire :

 Allons ne t’inquiète pas, je sais que cela va déjà mieux, elle prononce souvent ton nom.

 Oui, chaque fois qu’elle est d’accord.

 Si si ! Mais ça, ce n’est pas mon prénom, tu le sais bien.

Je préférais en rire.

 Bon je vais aller promener Polly cela va m’aider à réfléchir. Elle n’a pas dit quand elle reviendrait le chercher.

Elle est gonflée, murmura-t-il en passant la porte après avoir, non sans mal, attaché le collier au cou du chien qui frétillait déjà à l’idée de la sortie.
Moi j’ai continué les recherches. En cherchant un club des amis des papillons, j’ai enfin trouvé quelque chose. Sur la rive droite de la Garonne, à la Bastide, pas très loin de l’échoppe de Tino. Le nom papillon me mena sur un club de généalogistes ! je suivis l’adresse du site. En entête, l’historique rappelait qu’ils avaient autrefois commencé par être un club de lépidoptéristes, mais que la difficulté de trouver et surtout de s’occuper de ces fragiles petits animaux les avait conduits vers une autre activité : l’étude des ancêtres.

 Bingo !

J’appelais Léo sur son portable ne voulant pas attendre pour lui donner la bonne nouvelle.

 Heu, j’ai un souci, Polly a cassé sa laisse, elle est partie comme une fusée après avoir vu un setter irlandais.

Je m’esclaffais.

 Elle est comme sa patronne elle aime bien les rouquins.

Léo qui n’est pas susceptible éclata de rire.

En effet, quelques années auparavant, Bettina avait pris la poudre d’escampette avec un moniteur de ski norvégien aux cheveux roux. Ayant pris goût à la chose, un gendarme possédant la même caractéristique capillaire prit la suite du moniteur reparti la même année dans son pays. Depuis, elle vivait une existence fractionnée de célibataire au gré de ses rencontres.

 J’ai une bonne nouvelle, j’ai, je crois, retrouvé la trace de tes amateurs de papillons.

 Super ! Dès que j’ai récupéré ma fugueuse, j’arrive.

J’en profitais pour me replonger sur le site des généalogistes afin de voir si un nom émergeait.

La photo d’une certaine Madame Colombe en exergue montrait une femme particulièrement belle. Je pensais aussitôt à Bella. Un numéro de téléphone et j’appelais. Un homme me répondit. La nouvelle fut bien décevante, la dénommée Madame Colombe était décédée. Quand je demandais comment cela avait pu arriver, la femme n’était pas âgée, on me répondit que l’on n’en savait rien.

Je demandais si elle avait de la famille, on me parla d’un frère jumeau Dylan. Je n’osais pas poser d’autres questions. Je le remerciais.

Léo entra, il était tout sale comme s’il avait fait de la luge sur les graviers. Apparemment, c’est bien ce qu’il avait fait. Polly, après de nombreuses et vaines tentatives, enfin rattrapée, avait entrainé Léo avec une fougue inattendue à la suite d’un chat tout maigre, mais rapide. Léo, cette fois, n’avait pas lâché la laisse au prix pourtant d’un rodéo rocailleux. Le chat disparut et Polly enfin calmée accepta de ramener Léo à la maison...