Jeanne et Gédéon

Jeanne et Gédéon : Chapitre IV

Jeanne et Gédéon vivent ensemble depuis si longtemps, qu’ils ont tout oublié. Mais Jeanne disparait, emportée par d’étranges créatures, et Gédéon va apprendre qu’ils ne sont peut-être pas ce qu’ils croyaient être ! (4ème chapitre)

Jeanne avait disparu et Gédéon s’en trouvait bien malheureux. Leur bonheur tranquille était une eau bienfaisante où il aimait se baigner. Par compassion pour sa tristesse, Georges le voisin, s’était rapproché de lui et avec son camarade Poilu, ils allaient tous les deux de temps en temps lui rendre une petite visite. Ils pouvaient ainsi parler de cette étrange histoire de disparition. Heureusement pour lui, Gédéon détestait l’alcool sinon, entre les deux compères qui ne rechignaient pas à sombrer dans la bière et le rhum, il aurait pu rapidement finir le foie et la cervelle en purée. Mais ces échanges étaient salutaires pour lui.

...

De son côté Jeanne ne voyait pas le temps passé et pour cause, une journée sur terre correspondait à trois mois sur sa planète. Elle se languissait de son Gédéon. Un jour, mais était-ce bien une journée, sur cette planète les nuits et les jours se confondaient parfois en une étrange lumière dorée et fumeuse ; elle demanda à revenir sur terre.

- Comment ! tu veux retourner sur terre ! tu perdras la vue et tu retrouveras le froid de l’hiver et la brulure des étés. Le fait est que, sur la planète Jeannienne, les saisons n’existaient pas.

- tu ne nous verras plus ! Nous avons mis tant de temps pour te retrouver !

- Vous m’aviez perdu ?

Jeanne n’avait pas pensé à demander comment elle s’était retrouvée sur la planète Terre. Elle non plus ne se souvenait pas de ses premières années, ni comment elle avait rencontré Gédéon... Gédéon, l’amour si grand de sa vie ! La question sembla gêner si fort ses congénères qu’elles disparurent toutes, prétextant, l’une qu’elle avait des semailles à faire au jardin, d’autres qu’elles avaient un moteur à réparer, certaines qu’elles avaient de la soupe sur le feu...etc.

Jeanne resta seule avec ses questions. Un peu désorientée, elle pensa tout à coup à Caramba le robot. L’espoir revint.

- Lui, il me répondra, il ne pourra pas faire autrement.
Elle trouva le robot étendu mollement sur un transat, une paille sortie d’un grand verre rempli d’un liquide bleu, plantée dans ce qui devait être sa bouche, en tout cas qui y ressemblait fortement.

- Dites-moi Monsieur Caramba, pouvez-vous me dire pourquoi j’étais sur terre au lieu de vivre sur la planète des Jeannienne ?

- D’abord, sache que tu peux me tutoyer mon chou. Ensuite, c’est parce que tu as été bannie.

- Quoi ? comment ça bannie ?

- Et bien cela veut dire qu’ils-t-on virée, renvoyée, exilée, congédiée, limogée, éloignée, c’est tout là, je suis à court ! J’espère que tu as compris !

- Je sais ce que cela veut dire. Pourquoi m’ont-ils exilé ?

- À cause de Gédéon. Il venait de la planète GDprim et votre union n’était pas possible, alors on vous a puni. Les deux gouvernements se sont mis d’accord, on vous a viré tous les deux. Mais il faut croire que vous vous êtes retrouvé et qu’en plus vous vous êtes remis ensemble ! Ils en ont tous été baba !

- Gédéon n’est pas humain ?

- Non, au fait baba cela veut dire interloqué, abasourdi, épatés...enfin très très étonné.

- Je sais ! mais comment avez-vous su que sur la terre nous nous étions retrouvés ?

- On vous observe depuis le début.

- Le début c’est quand ?

- Années terrestres ou Jeannienne ou bien années GDprim ?

- Années terrestres !

- Deux cent quarante ans.

- N’importe quoi, j’ai 60 ans !

- On vous a remis le compteur à zéro plusieurs fois. C’est-à-dire que l’on vous faisait oublier, on vous séparait et toujours vous vous retrouviez... C’était trop romantique !

Le robot poussa une sorte de soupir caverneux. Jeanne n’en revenait pas. Toutes ces révélations soulevaient encore d’autres questions.

...

Quant à Gédéon, il avait de plus en plus de mal à supporter l’absence de sa Jeanne. C’est drôle, pensait-il, comme les souvenirs de leur rencontre et le début de leur vie commune étaient passés dans les oubliettes de son esprit. Il se décida à voir un psychologue, enfin, une psychologue : Madame Lacachette. Elle tenait un cabinet de consultation au bout de sa rue. Il prit rendez-vous et le jeudi suivant, il était assis devant elle. Il n’osa pas parler de la disparition aussi inquiétante qu’étrange de Jeanne. Simplement il lui demanda pourquoi toute son enfance et en fait toutes les années qui précédaient son emménagement dans sa maison avaient disparu de sa mémoire. Gélinda, prénom de madame Lacachette, lui posa moult questions auquel il eut bien du mal à répondre. Il ne se souvenait pas avoir jamais eu de parents !
Gédéon ne parvenait pas à se souvenir de son passé, sinon qu’il vivait depuis... longtemps... Avec Jeanne et qu’il avait été heureux jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans des circonstances plus qu’étranges, un soir d’automne. Jeanne avait à présent soixante ans, mais le temps n’avait pas eu de prise sur elle, en effet elle avait conservé l’apparence de ses vingt ans. Cette singularité ne l’avait jamais troublé. Il la trouvait belle depuis toujours et elle, aveugle de naissance, ne savait pas qu’il l’était aussi.

Les années l’avaient un peu marqué, ses traits s’étaient creusés, lui donnant une allure plus sérieuse et ses cheveux si noirs et fournis d’autrefois, étaient à présent plus clairsemés et d’un gris perlé sur ses tempes.

Madame Gelinda Lacachette sa psychologue donc, avait bien du mal à démêler les arcanes de cette vie de couple. Gédéon finit par évoquer le drame qui le tourmentait ; sa Jeanne avait disparu. La mère de Jeanne, elle aussi, avait disparu. La praticienne chevronnée constatait avec compassion la détresse de son patient, mais à part lui conseiller quelques calmants pour supporter sa vie, elle n’avait pas trouvé de solution immédiate à son problème sinon celui de partir à la recherche de son épouse ou bien d’une nouvelle.

Ecrit par Marie-Laure Bousquet

Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk


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