Le Crime de la Pizzéria
Tino, que personne n’appréciait beaucoup, a été retrouvé assassiné le nez dans sa pizza quatre fromages.
CHAPITRE 8 : Virginie est trop romantique.
Grâce à Dylan, Léo retrouva enfin la trace d’une des lépidoptéristes (les amateurs de papillons pour ceux qui ne seraient pas spécialistes ...) une certaine Virginie Lequer. Il comprit qu’il s’agissait de celle que Tino avait surnommée Dakota sur la photo. Dakota étant comme chacun sait le nom d’un état des États-Unis, tout comme la Virginie.
Il trouva facilement à partir de son nom son adresse grâce à une photo sur Facebook. En effet, Il reconnut facilement la place du Quatorze Juillet de Bègles. Elle posait devant « Le Poulailler » qui, comme son nom ne l’indique pas, permet de se retrouver entre amis devant un apéritif. Ensuite ce fut assez simple, mon frère et moi, nous fîmes le tour des boites aux lettres et coup de chance prenant place devant une table pour enfin nous rafraichir, c’est la photo de Virginie posée sur la table qui interpella la serveuse. L’aimable barmaid reconnut celle qui posait, comme étant sa voisine. Je laissais Leo y aller seul, car le soleil réconfortant de la terrasse du Poulailler, m’appelait plus que cette visite. Également, Dylan le frère jumeau de Barbara dont j’avais entendu parlé et dont j’étais curieuse de faire la connaissance, au dernier moment se désista.
Quand Léo sonna, Virginie vint aussitôt ouvrir. Il lui raconta qu’il voulait réaliser un recueil historique sur les associations bordelaises les plus originales, celles du présent comme celles du passé. Elle le pria de s’assoir sur le canapé du salon. L’intérieur était petit, mais cossu. Dans le séjour, une forte et suave odeur de mimosas inondait la pièce.
Il était 11h, mais elle portait un peignoir boutonné jusqu’au menton, ses cheveux gris brun décoiffés. Elle paraissait fatiguée, mais de très bonne humeur. Léo lui présenta la photo trouvée chez Tino. Il lui demanda si elle avait quelque chose à dire sur cette période.
Il n’osa pas lui parler de Tino et de Barbara, tous deux morts de façon très violente, car il ne voulait pas l’inquiéter. Il lui demanda si elle se souvenait des autres individus sur le cliché.
Bien sûr, il y a Hubert je ne sais plus son nom de famille. Là c’est Barbara, mais j’ai appris qu’elle était décédée, il y a aussi Tino, un type adorable, Leo sourcilla, mais ne dit rien, là c’est Gabin Morgan, c’est son vrai nom ! c’est un prof de philo et là c’est Corinne.
Corinne comment ?
Corinne Bart ou Barn... oui, Barns une éleveuse de chats. Mais vous savez, je n’ai pas de photos de cette époque-là et j’avoue que je me sens un peu patraque aujourd’hui, si vous voulez repasser un autre jour ce sera avec plaisir que je vous répondrai...
Léo étant donné qu’il ne se sentait pas très bien lui-même, le mimosa l’obligeant à éternuer et ses yeux commençant à être brûlant de larmes, n’insista pas. Il rentra chez lui. Il avait deux noms !
...
La journée avançant, Virginie ne se sentait vraiment pas bien. Était-ce ce petit déjeuner qui ne passait pas ? Le café trop fort ? Une sensation nauséeuse et pénible, presque douloureuse l’envahissait. Cette visite inattendue cette nuit, qui l’avait tant bouleversée !
À onze heures du soir, il n’avait pas sonné, il avait frappé à la porte. Elle avait regardé par l’œilleton et le sourire éclatant de celui pour lequel elle avait toujours eu un faible l’avait saisi. Elle ouvrit et il était là. Il s’approcha et l’embrassa doucement sur la joue.
Cela fait longtemps ?
Réussit-elle à murmurer.
Il était déjà dans son salon et il lui présentait un bouquet de mimosas. Le parfum entêtant emplit aussitôt la maison. Il déposa également une boite de chocolat. Sur le buffet.
Quelques mois oui, je suis parti m’installer loin, mais j’ai pensé tellement à toi et si souvent...
Je n’ai pas le temps de trop rester ce soir, je dois absolument repartir, mais je reviendrai, si tu es d’accord bien sûr, la semaine prochaine ? Je suis si heureux de te revoir, j’espère que c’est pareil pour toi ?
Il s’exprimait d’une voix grave, profonde et douce. Virginie était profondément troublée. Petite femme un peu trop ronde à son propre goût, ce qu’elle avait de mieux, c’étaient ses yeux, un beau bleu myosotis. Elle fit mentalement à la vitesse de l’éclair le compte de ses atouts qui auraient, apparemment, séduit cet homme ! Le regard insistant finit par la convaincre que l’amour est décidément un mystère. Elle acquiesça. Le sourire se fit encore plus adorable encore comme si cela pouvait être possible ! Et l’homme ouvrit d’autorité la boite de chocolat et lui demanda des verres pour le champagne qu’il sortit de son sac.
Je croyais que tu devais partir, on pourrait peut-être attendre ton retour ?
Non, coupa-t-il, buvons ensemble s’il te plaît j’ai vraiment envie que nous partagions ensemble ce petit moment exceptionnel, après je file !
Elle revint de la cuisine avec deux coupes de cristal que l’homme qui avait déjà ouvert la bouteille remplit aussitôt. Il lui présenta la boite de chocolat.
Tu m’excuses, j’en ai déjà mangé deux, j’avais trop faim, je n’ai pas mangé ce soir, j’avais trop hâte de te revoir.
Elle se servit et ils burent plusieurs coupes du champagne qui s’avéra de grande qualité. Sans s’en apercevoir, ils dévorèrent aussi les chocolats de la boite qui venaient d’un grand chocolatier. C’est surtout Virginie qui parlait, l’homme semblait boire ses paroles. Au bout d’une demi-heure, un peu ivre, Virginie demanda.
Et toi ? Je ne parle que de moi, dit-elle un peu confuse, que deviens-tu ?
Il se leva, ramassa les verres, la boite et le champagne pour se diriger vers la cuisine en expliquant
Oh tu sais moi, je bosse comme un fou, mais figures toi que j’ai la chance de pouvoir bientôt venir travailler tout près de chez toi. J’étais tellement heureux par cette nouvelle, que j’avais envie de la partager avec toi ce soir.
Virginie se sentit enveloppée d’un nuage de bonheur. Cet homme auquel elle n’avait jamais osé penser, tant il lui semblait inaccessible, lui faisait presque une déclaration d’amour ! Elle l’entendit qui faisait la vaisselle.
J’aimerais que nous puissions parler sérieusement de l’avenir ensemble. Je cherche un appartement assez grand... pour nous deux peut-être ? qu’en penses-tu ?
Alors qu’elle se sentait toute déliquescente, Virginie se leva telle une fusée de Cap-Canaveral de son aire de lancement.
Bien sûr ! J’adorerais ça !
C’est merveilleux, il regarda sa montre, je dois y aller, je t’appelle demain. Notre petite dînette était formidable et c’est le début de grandes choses, dit-moi, aimes-tu les enfants ?
J’adore les enfants !
Sur ces derniers mots, il s’éloigna en lui envoyant un baiser de loin et sortit.
Comme tout cela avait été romantique ! Elle se coucha et s’endormit aussitôt le cœur et l’âme ravie.
Au matin, après la visite de cet inconnu, Ce Léo ? Elle se sentait encore patraque et pour se remémorer son visiteur du soir qui était passé comme un rêve, elle termina tranquillement la boite de chocolat qui finit de l’empoisonner. On peut dire qu’elle mourut heureuse. Quand la police vint, on conclut à une crise cardiaque ou un AVC, dans sa famille il y avait eu beaucoup de ces tristes disparitions. Elle-même était soignée pour un souffle au cœur. Aux vues de ses antécédents, le médecin qui l’examina et qui était aussi son médecin traitant jugea qu’il n’était pas nécessaire de pratiquer une autopsie. Sa mort naturelle ne surprit personne, la boite de chocolat vide révéla en son fond l’image d’un papillon Monarque.
Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk