Le Crime de la Pizzéria

Le Crime de la Pizzéria : Chapitre I

Le Crime de la Pizzéria
Chapitre I : Un rendez-vous manqué.

La nuit venait de tomber, les derniers passants usés et apathiques après une longue journée de travail, déambulaient, étranges fantômes du soir. Certains, mal chaussés du matin, évitaient avec peine les flaques sombres de la pluie tombée dans l’après-midi. La place luisait de lumières éclatées. Agacée, une file de voitures évitait de justesse les derniers passagers de la rue.

Kiki, fox-terrier de son état, trottinait devant Monica. Quatre pattes c’est difficile à diriger quand on veut éviter de se les mouiller. Le téléphone tremblota à nouveau dans la poche de la jeune femme qui s’empressa de l’extirper et de le coller à son oreille. Kiki aurait bien aimé manger cet engin qui détournait sans cesse l’attention de sa Monica chérie et du bon déroulement de leur balade.
C’était Tino.

- Où es-tu ?

- Je me balade avec le chien.

- Mais où ça ?

- En bas, sur la place.

Monica s’exprimait calmement. Tino, agacé, répliqua :

- Tu déconnes ! je t’attends au resto !

- M’en fous, je ne viens pas, je n’ai pas envie.

Un silence stupéfait répondit. Enfin, il y eut un clac : Tino avait raccroché.
Elle cracha mentalement un juron, se promettant de lui faire payer un jour ce geste impulsif. Il ne lui avait même pas laissé le temps de s’expliquer ! Son cerveau occultait déjà sa dernière phrase où elle lui exprimait clairement qu’elle n’avait pas envie de le voir !

- C’est la dernière fois que vous lui avez parlé ?

L’enquêteur scrutait à présent la même Monica qui paraissait très calme. Il n’était pas très grand, mais sa tenue vert foncé ; du sweat polaire au pantalon, en imposait. L’ensemble aurait pu lui donner l’allure d’un lutin des bois, à cause surtout de ce bonnet tout aussi vert qu’il portait légèrement en arrière ; le pompon sur le côté, mais personne n’aurait eu l’idée de se moquer de lui. Étrangement, cela lui donnait un air militaire, un peu chasseur alpin comme on se l’imagine quand on n’en a jamais vu.

- Oui, j’aurais dû venir.

Sa voix ne tremblait pas, mais ses yeux brillaient un peu.

- Venir où ça ?

- Au resto, on avait rendez-vous.

- Et pourquoi n’y êtes-vous pas allé ?

Monica sembla réfléchir, c’est vrai au fond pourquoi ? Comment dire que ce type était un emmerdeur de première. Leur rendez-vous dans ce super resto... c’était une pizzéria ! en vérité, le peu qu’elle le connaissait, ne lui donnait plus envie de poursuivre une relation qui n’avait d’ailleurs pas commencé du tout. Cette mort subite l’arrangeait. Ce n’est évidemment pas ce qu’elle choisit de dire à l’enquêteur. Si elle n’était pas venue, c’est parce qu’elle n’était pas en forme.

- J’avais mal à la tête, une migraine atroce.

- Ah oui, moi aussi je souffre de migraine, il y a un mois, j’ai été hospitalisé, ils m’ont bardé d’électrodes, j’en avais partout ! enfin presque, il émit un étrange petit rire. Je n’ai pas pu dormir et quand je suis sorti, ils m’ont dit qu’il n’avait jamais vu ça. J’avais produit des courbes sur le diagramme qui ressemblaient aux zébrures des tigres, à moins que ce soit des zèbres, je ne me souviens pas bien.

Il vit dans les yeux de la jeune femme que son explication, pourtant si captivante à son avis, n’avait pas l’air de l’intéresser.

- Bon bref, et vous savez s’il avait des ennuis, des gens qui lui en voulaient ?

- Euh oui, son propriétaire, il payait toujours un loyer sur deux... sa sœur et aussi son beau-frère, une histoire d’héritage ou je ne sais pas quoi, son pote Marco, il l’avait accusé de tricher au poker. Son voisin qui voulait le dénoncer à la police ou bien lui casser la gueule s’il continuait à mettre sa musique à fond. C’est tout. Ah si ! son patron qui voulait le mettre à la porte, mais comme Tino venait d’obtenir l’allocation handicapée, il ne pouvait plus. Et son collègue de boulot qu’il accusait de lui piquer des trucs, ah, et aussi la concierge parce qu’il avait embouti sa bagnole et qu’il ne voulait pas le reconnaitre alors qu’elle l’avait vu sur le film de la caméra de surveillance.

Cléo, l’enquêteur au si beau prénom, avait choisi de le changer en Léo. En effet, un jour de trop, il en eut assez des plaisanteries oiseuses que les imbéciles faisaient sur son petit nom qui était plutôt féminin, il faut bien le dire, la référence à Cléopâtre était trop forte. Leo, donc, cogitait tout en écoutant Monica. Le désigné Tino, le mort, avait tellement d’ennemis ! il n’avait jamais rien connu de semblable. Il trouva étonnant qu’il ne se soit pas fait assassiner bien avant ! Également, avec tous ces gens qui le détestaient, comment l’enquête officielle n’avait-elle rien donné ? Il demanda :

- Il était donc handicapé ?

- Bien sûr que non ! comme il était tombé de moto à dix-huit ans, il boitait et se mettait à avoir des tics nerveux quand il allait à la sécu pour les contrôles. Le reste du temps, il marchait comme vous et moi !

Dans cette énumération, Monica elle-même réalisa que ce pauvre Tino quoiqu’il lui fût arrivé, l’avait certainement bien cherché, il avait tout fait pour que personne ne l’aime ! quant à le tuer... c’était un peu fort !

Ecrit par Marie-Laure Bousquet

Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk


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