Le fédéralisme provincial est-il en route en France ?



Lentement la France s’éloigne des principes de la Révolution Française. Il est vrai que la faiblesse de l’enseignement de l’Histoire et surtout le modernisme ambiant conduisent souvent à une analyse sommaire des événements du présent. Et pourtant. Il faudrait à un moment ou à un autre, rappeler courageusement les objectifs des fondateurs de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité. Où sont-ils passés ? Nul ne le sait vraiment tellement la dilution politique a détruit la valeur des mots. Les « révolutionnaires » avaient un seule obsession : construire une nation unie dans laquelle chaque individu était un citoyen susceptible de jouer un rôle dans la vie sociale après avoir été considéré durant des siècles comme un « sujet ». Ils savaient que tout reposerait sur une organisation rationnelle et fiable du pays qui errait dans l’inégalité absolue.

Avant la Révolution, la France était en effet constituée de circonscriptions territoriales issues de l’histoire, de la géographie et du peuplement, qui étaient différentes selon les différents pouvoirs qui s’y exerçaient, avec des catégories différentes comme « métropoles », « provinces », « diocèses », « duchés », « baronnies », « gouvernements », « états », « élections », « généralités », « intendances », « parlements », « pays », « bailliages » (un vrai mille-feuilles territorial).. suivis d’un nom de région qui était souvent le même, sans recouvrir la même étendue géographique. Ainsi, le ressort du parlement d’Artois ne correspondait pas au même territoire que le gouvernement d’Artois ou que l’intendance d’Artois. Il y en avait bien d’autres. Chaque entité avait ses impôts, ses règlements, son mode de fonctionnement, ses rivalités internes, ses langues, ses spécificités économiques et plus encore ses « potentats », ses « intendants » et surtout son incapacité à travailler avec ses voisines. Une rivalité pouvant aller jusqu’à la guerre avec ses annexions, ses conquêtes, ses entourloupes !

L’assemblée constituante de 1789, après avoir aboli au cours de la nuit du 4 août tous les droits et les usages particuliers aux différentes régions (que l’on nommait aussi privilèges comme ceux des classes, noblesse et clergé), décida d’instituer un découpage uniforme du territoire, et créa après avoir remplacé les « paroisses » par les « communes », les départements. Tout découlait d’une volonté profonde d’égalité et de construire une France « une et indivisible ». Ce découpage territorial devait être le même pour les différentes fonctions de l’État : militaire, religieuse, fiscale, administrative, universitaire, judiciaire, etc. La ville choisie comme chef-lieu de chaque département devait concentrer les sièges de chacune de ces fonctions et posséder à la fois une préfecture, un tribunal, une université, une place militaire, un évêché, une bourse, une foire, un hôpital, etc.. Les protestations des villes qui remplissaient depuis toujours l’une de ces fonctions et qui se voyaient ainsi dépouillées, qui de leur cour d’Appel, qui de leur arsenal, qui de leur université, qui de leur foire, empêchèrent d’exécuter complètement ce plan pourtant extrêmement républicain. On raille maintenant ce principe qui constituait des entités accessibles sur le principe d’une durée de déplacement égal à une « journée à cheval ! »

Durant plus de deux siècles le système a fonctionné, a permis de surmonter des périodes terribles… et sur les monuments aux morts, symboles de cette unicité de la République on trouve des noms de pauvres citoyens ayant combattu pour justement une France une et indivisible. Après des tentatives timides de régionalisation il faut attendre les années noires de l’Etat Français pour voir surgir la reconstitution des… « provinces ». Dans le champ des idées, de nouvelles revendications régionalistes s’identifièrent au pays réel prôné par Charles Maurras, disciple de Frédéric Mistral, intellectuel de l’Action française et de la Révolution nationale du gouvernement de Vichy. C’est, notamment sur ce fondement idéologique monarchique, dont lui-même était issu, que le Maréchal Pétain entérina une recomposition territoriale régionale dessinée par son secrétaire d’État aux Finances, Yves Bouthillier. Le décret publié le 30 juin 1941 attribuait à certains préfets les pouvoirs des préfets régionaux et portait division du territoire pour l’exercice de ces pouvoirs en application de la loi du 19 avril 1941, par un découpage regroupant des départements. Ce découpage préfigurait le découpage des régions en respectant des critères économiques et surtout le lien au chef-lieu par les transports terrestres. Elles étaient à peu de choses près l’actuel découpage régional. Cette organisation ne survécut pas à la chute du régime de Vichy et fut abrogée dès 1945 et par de Gaulle qui le recréa quasiment à l’identique en 1969 avec une volonté de leur donner des compétences élargies !

Las, depuis l’annonce de Manuel Valls on revient des décennies en arrière avec le retour des « provinces » dotées de pouvoirs renforcés dénommées « compétences exclusives » et sur des territoires très proches de celles de Maurras ! Une amorce de fédéralisme territorial est en marche en 2 étapes : reconstitution des entités réputées performantes, efficaces grâce à leur taille et à leur gouvernance et suppression des départements. Une sémantique similaire à celle du milieu économique qui prétend que les holdings, les trusts, les fusions absorptions améliorent l’efficacité économique. Une annonce qui a immédiatement conduit les Bretons, bonnets rouges sur la tête, à demander la « reconstitution » du « Duché de Bretagne » d’avant la Révolution. Au fait parmi les « bonnets rouges » interpellés ayant détruit un portique « écotaxe au nom de la spécificité bretonne on trouve « au moins un membre du mouvement Adsav, un parti indépendantiste breton d’extrême droite ». Continuons donc à jouer aux apprentis sorciers et tournez vos regards vers ce qui se passe en Ukraine !

Ecrit par Jean-Marie Darmian


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