Bordeaux

Retour sur deux heures de vifs échanges entre Virginie Calmels et Alain Rousset à Sciences Po Bordeaux pour ce premier débat « d’ouverture de campagne »

Ce 22 octobre à Sciences Po Bordeaux a eu lieu le premier débat « officiel » des élections Régionales qui auront lieu les 6 et 13 décembre prochain. Ce débat ne concernait que deux des six candidats déclarés : Virginie Calmels, tête de liste d’Union de la droite (UDI, LR) et Alain Rousset, actuel Président de la Région Aquitaine et tête de liste PS.



Rappelons qu’à ce jour face à eux il y a huit autres candidats en lice, Françoise Coutant (EELV), Jacques Colombier (FN), Olivier Dartigolles (PCF/FG) et Yvon Setze (DLF), Guillaume Perchet (LO), Jean Daniel (FD), José-Manuel Boudey (PFE) et William Douet (UPR). C’est l’Institut des Sciences Politiques de Bordeaux qui a fait le choix d’un duel. Le débat était la rencontre d’ouverture de la 31ème édition des « Rencontres Sciences Po Sud-Ouest ». L’événement a attiré beaucoup de monde puisque deux amphithéâtres ont été remplis, l’un de 400 places et l’autre de 200. Une quarantaine d’étudiants de l’IEP on préparé ce débat, huit d’entre-eux ont pu intervenir aux côtés de Jean-Bernard Gilles, journaliste à Sud-Ouest, pour poser des questions ciblées sur des thèmes précis aux deux candidats. Les deux têtes de listes ont parfois eu du mal à rester dans le cadre des questions, ce qui a rendu le débat un peu plus désorganisé que prévu. Mais que serait un débat sans ses imprévus.

Des profils très différents
Le premier objet du débat était de retracer les parcours des deux candidats. Hortense, étudiante, est la première à poser une question à la candidate novice en politique Virginie Calmels. Elle l’interroge sur ses différences avec Alain Rousset. Virginie Calmels rappelle tout d’abord qu’elle est nouvelle dans le milieu politique, et qu’elle est une femme d’entreprise, contrairement à son concurrent qui lui est engagé depuis plus de vingt ans. En rapport avec cela elle évoque très souvent son « profil de gestionnaire, utile pour la gestion de l’argent public  ». Aussi, selon elle, sa différence est qu’elle est une femme et elle en est fière, car peu sont présentes à cette élection, elle enfonce le clou « Rousset n’a qu’une seule femme tête de liste sur douze ». La tête de liste termine son intervention avec une phrase évocatrice « Je crois en la politique »
Alain Rousset est ensuite questionné par la même étudiante sur ses motivations à faire un quatrième mandat en tant que président de la région Aquitaine, et maintenant Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin. «  Je ne me lasse pas de la région » affirme d’emblée le candidat socialiste. En effet, il déclare avoir reçu de nombreux bilans positifs quant à sa politique menée depuis maintenant dix-huit ans. Il évoque l’exemple de la dette régionale. Avant son élection, l’Aquitaine était la région la plus endettée de France alors qu’aujourd’hui elle fait partie des trois régions les moins endettées de France. La tête de liste ne manquera pas de parler de l’augmentation de l’attractivité régionale depuis qu’il siège en tant que président. Pour l’actuel président, sa réussite dans la politique régionale mais aussi sa connaissance du territoire et ses difficultés justifient sa position de tête de liste « J’ai l’expérience et l’envie » glissera-t-il pour finir.
Virginie Calmels est quant à elle certaine que « c’est le mandat de trop ». Cette critique lancée à Alain Rousset est d’ailleurs le début d’une longue série d’attaques lancées l’un à l’autre, que cela concerne leurs bilans, leur projets ou encore leur comportement. Le débat fût rythmé par plusieurs joutes verbales entre les candidats, visiblement pas sur la même longueur d’onde concernant leurs fonctions, pour Virginie Calmels, ou leurs mandats, de député pour Alain Rousset, les candidats éclaireront les questionnements. La candidate de l’union de la droite déclare lors du débat que si elle est élue elle abandonnera ses fonctions municipales et ses mandats non-exécutifs (à Technicolor par exemple) mais conservera son poste d’administratrice à Eurodisney « il n’y a pas de conflit d’intérêt » révoque-t-elle. Alain Rousset, lui, appliquera la loi sur le cumul des mandats quand elle sera effective en 2017 et quittera son siège à l’Assemblée.

Un cadre régional neuf
C’est Kévin qui est le premier étudiant à interroger les candidats sur leur programme régional. Sa question porte sur le nom et le chef-lieu pour la nouvelle grande région. Les deux têtes de listes concèdent que Bordeaux restera le chef-lieu régional. Ils sont aussi d’accord pour dire que même si Bordeaux est chef-lieu, les anciens chef-lieux, Limoges et Poitiers devront aussi avoir leur part du gâteau. Pour Virginie Calmels cela doit passer par une décentralisation du Conseil Régional, notamment des instances exécutives « Il faut capitaliser sur nos compétences » affirme la candidate. Mais aussi par un ajustement de l’action aux spécificités territoriales dans tous les domaines. Alain Rousset pour sa part est « garant d’un aménagement du territoire diffusé ». Selon lui, il faudra développer les liens et être présent partout, « inventer une nouvelle administration qui porte de la valeur ». Ce qu’il faut retenir également concernant ce nouveau territoire régional c’est effectivement l’adaptation du cadre de compétence. Sur ce sujet les deux candidats ont activement débattu.
Le candidat socialiste veut tout d’abord optimiser les administrations et clarifier les compétences régionales pour plus d’efficacité. Cela nécessitera selon lui une bataille pour renforcer le service public. Somme toute, le candidat à l’idée de bâtir une « République décentralisée ».
Virginie Calmels souhaite proposer une autre gestion du personnel régional et de l’argent de la région, elle rappelle d’ailleurs que la femme d’entreprise qu’elle est connaît bien ce type de gestion. Virginie Calmels voudrait entretenir un respect des fonctionnaires, gérer efficacement l’abstentionnisme et développer le service public avec des employés actifs et engagés dans leur travail.

Nouveau scrutin, nouveaux enjeux ?
Les étudiants de Sciences Po abordent par la suite le sujet du scrutin. L’occasion de débattre à propos de leurs concurrents, leurs possibles alliances mais aussi leur légitimité en « territoire inconnu » pour les deux candidats : les Régions Poitou-Charentes et Limousin. En effet, Alain Rousset et Virginie Calmels sont tous deux des purs produits de l’Aquitaine, ce qui pose la question de leur légitimité sur la représentation des deux autres régions. Elles regroupent à elles deux 2,533 millions d’habitants (2013). A ce sujet, les débattants sont assez d’accords pour dire que ce qui importe n’est pas fondamentalement l’appartenance de base mais plutôt l’importance d’aller au contact des autres populations régionales et discuter avec eux de leurs souhaits pour leur territoire, avec par exemple la mobilisation des militants locaux. Rousset ajoutera que c’est « une chance pour développer la réussite de l’Aquitaine dans d’autres régions » Très attendue également, la question des potentiels alliés au second tour. Pour la liste d’union de la droite, Calmels martèle que même si le FN est crédité de 18% des suffrages, il n’y a aucune alliance possible avec Jacques Colombier. Le FN porte, selon elle, un « projet irréaliste » diamétralement opposé au sien, notamment au niveau économique. Toutefois, à gauche la réponse n’est pas la même. Le candidat socialiste confie qu’il est ouvert à une alliance de la gauche, particulièrement avec les écologistes avec lesquels il travaille depuis six ans « même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, nous avons un bon bilan en écologie ».

Les projets pour la région
Le socialiste évoque trois points prioritaires pour améliorer la nouvelle grande région sur lesquels les candidats vont s’opposer :
- le très haut-débit,
- la santé
- la mobilité.
Au niveau du très haut-débit, il souhaite une meilleure couverture de tout le territoire avec un modèle de partenariat dans lequel la région serait investisseur car faire appel aux opérateurs, ce que propose Virginie Calmels, reste selon lui une solution coûteuse et sans maîtrise pour les collectivités. La question de la santé est aussi abordée, les deux adversaires sont d’accord pour dire qu’il faut impulser la médecine de proximité.
Enfin, le sujet de la mobilité divise. Quand Alain Rousset veut développer le transport ferroviaire, Virginie Calmels veut contribuer au financement de routes nationales. La candidate cite spécifiquement la création d’une 2x2 voies Poitiers-Limoges et l’amélioration du contournement de Marmande. Toutefois, elle évoque aussi le transport ferroviaire avec la lutte contre les retards et l’obsolescence du transport en TER. Le socialiste, lui, s’exprime plus largement sur le transport ferroviaire pour lequel il souhaite faire des « efforts considérables », surtout au niveau des temps d’attente et des changements fréquents. Alain Rousset défend un développement des lignes TER, et la chance d’avoir des lignes LGV dans la région selon lui cela va diminuer les bouchons routiers. Il souhaite également la création de routes plus fluides entre Limoges et Bordeaux, Poitiers et Limoges ainsi qu’entre Poitiers et son littoral. Le candidat propose un financement des travaux ferroviaires, notamment du TER, par l’application d’une taxe carbone régionale appliquée aux poids lourds.


Développement de l’économie régionale
Le débat ne pouvait pas se terminer sans aborder le sujet du développement de l’économie régionale, un point qui tient à cœur aux deux candidats, c’est l’étudiante Anne-Louise qui les a questionné.
La parole va à Alain Rousset. En premier lieu, il suggère un accompagnement des projets de développement des entreprises, et plus particulièrement des petites et très petites entreprises pour créer ce qu’il nomme « un écosystème de confiance ». Ensuite, pour Alain Rousset miser sur la recherche est un bon moyen de développer l’économie régionale, pour se faire le candidats propose une aide à l’amélioration des structures de recherche. Deuxième point, la formation à de nouveaux emplois pour recruter plus, avec le rachat du site de la DGA par exemple. En un mot le candidat montre sa volonté à régionaliser le système des fonds propres pour l’accoutumer à l’investissement.
Virginie Calmels, elle aussi est pour un système d’aides aux petites et très petites entreprises dans le but de leur simplifier les démarches. Pour l’impulsion de l’économie, la candidate de l’UD développe plusieurs aspects : la nécessité d’une bonne couverture numérique avec le très haut-débit et l’importance d’un investissement sur les routes car les bouchons ont un coût important. Pour finir, au sujet de la formation, la tête de liste mise sur l’apprentissage, elle souhaiterait augmenter la prime d’apprentissage à 2000 euros par apprenti ainsi que simplifier les normes pour les apprentis. « Il faut choisir ses priorités pour que l’argent public serve au plus de monde possible » résume la candidate.
Le débat prend fin sur une note positive, les étudiants de Sciences Po proposent aux deux têtes de liste de donner un élément positif sur leur adversaire. Virginie Calmels rappelle le succès de l’Aerospace Valley en Aquitaine, et Alain Rousset, lui, n’a pas en sa connaissance de réussite dont il pourrait féliciter sa concurrente mais il finit par admettre « Elle n’a pas froid aux yeux ». Belle image de la démocratie !

Ecrit par Nadia Soulé


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