« Appellation française contrôlée », grande illusion ou encore spécificité française d’en appeler à la figure d’un sauveur. Le phénomène consistant en la périodique quête de l’homme providentiel, quête aussi enthousiaste qu’irrationnelle, semble traduire un certain désarroi collectif et une relative immaturité du corps électoral.
Les raisons
Le régime présidentiel en vigueur dans notre pays favorisant médiatisation et personnalisation excessives des candidats, celui ou celle qui ambitionne de prendre le pouvoir ne doit pas se limiter à exposer ses idées et son programme, mais doit surtout se livrer à une entreprise de séduction où son charme et son charisme prennent assez vite le pas sur la crédibilité de son programme. Ce phénomène fait du candidat l’homme providentiel, celui qui soulève l’enthousiasme alors que tout le monde sait très bien que les lendemains de « fête » seront nettement moins joyeux. Qu’il est doux cependant, durant quelques semaines, de croire et de penser avoir choisi celui qui va trouver toutes les solutions pour nous et pour le pays, sorte d’individu « élu des dieux » auxquels (les dieux !!!) pourtant plus grand monde ne croit.
La nostalgie
Tous les peuples ayant besoin de rêver et de trouver des héros, la nostalgie des systèmes monarchiques avec ses hommes providentiels, rois de droit divin, reflète bien l’idée que les sociétés démocratiques ne sont pas à l’abri de vibrer encore et toujours au mythe de l’homme providentiel. La nostalgie le plus souvent inconsciente de pouvoirs de nature « quasi divine » prouve bien que la vie politique, la réflexion et les choix électoraux sont le plus souvent beaucoup plus le fait de mythes, d’émotions, de sensations, de subjectivité que de rationalité et de qualité des idées. Faut-il s’en plaindre, faut-il se résigner ? Difficile de ne pas admettre que la compréhension des mentalités et du ressenti collectif dans l’histoire depuis la Révolution ne saurait ignorer ce mythe très français du « sauveur ».
Monarchie républicaine
Alors que les démocrates se sont toujours méfiés des hommes providentiels dans la mesure où le risque de dérive vers le populisme, l’autoritarisme ou même la dictature sont réels, François Hollande en se déclarant être un « président normal » s’est revendiqué en totale opposition avec l’homme « providentiel anormal ». Contre-pied beaucoup trop brutal où à défaut d’être devenu le « chef providentiel », le chef de l’Etat n’a tout simplement jamais été non plus l’homme de la situation.
Dire que notre « monarchie républicaine » ne fait que pérenniser ce mythe est on ne peut plus évident. Alors que notre démocratie semble souvent s’interroger et se comparer à celle de certains de nos voisins du nord, il est clair et instructif de constater que la chancelière allemande tout comme le premier ministre britannique doivent avant tout leur désignation à la majorité dont ils sont issus et non pas à leur charisme. Point d’attente de l’homme providentiel chez nos voisins, point de lendemains qui chantent et de surlendemains qui déchantent, point d’idolâtrie, de quoi nous inspirer parfois utilement, et nous permettre peut-être de décrypter quelques unes des causes de nos difficultés.
Les inconditionnels de la quête du « sauveur » savent bien qu’on ne rencontre pas tous les jours de Jeanne d’Arc, de Bonaparte ou de de Gaulle. Quant aux autres, démocrates affermis ou pas, il serait peut-être temps qu’ils aient la maturité et la sagesse de rechercher tout simplement "l’homme ou la femme de la situation", ni plus, ni moins !!!
Ecrit par Dominique Mirassou