Bordeaux
Il est vingt heures trente, ce dimanche, la nuit vient de vêtir Bordeaux de son voile sombre et froid. La Garonne glisse et ondule dans l’obscurité, transperce le pont de Pierre en ses dix sept arches, tout en flirtant avec son corps dans de doux baisers de lumière.
Les quais majestueux de notre ville regardent ce fleuve aux mille images, comme un sinueux témoin de sa vie, comme un miroir d’eau dans lequel elle pourrait se souvenir. Se souvenir de ces époques où Noel n’existait pas, ce temps passé où tout était autrement, ces années poussiéreuses cachées dans les livres d’Histoire.
La magie de Noël se trouve dans le regard des enfants, elle est une pluie d’étincelles, quand en levant les yeux, le carrousel des Allées Tourny les attend pour le pays des rêves. En s’enfonçant dans le petit village de bois, les désirs les plus fous prennent forment et même si les parents y sont plus à leur aise, le cœur de nos bambins palpite dans un silence de papier d’or et d’argent.
Au détour d’une rue, l’odeur des marrons chauds inonde de bonheur un papa, qui vient en un instant de rajeunir de quelques décennies, se rappelant de la grande poêle à trous dans la cheminée de sa grand- mère. De son grand père, assis auprès du feu, lui prédisant de la neige, juste pour qu’il puisse imaginer le traineau du Père Noël se poser en douceur sur le jardin cotonneux.
Le cours de l’Intendance livre au ciel étoilé ses anneaux de diamant, dôme d’alliances pour les amoureux, bulles d’espoir pour les moins chanceux ou inquiétante invasion de visiteurs venus des cieux. Puis la rue Vital Carles invite le promeneur à la parcourir jusqu’en son bout pour se reposer sous le grand sapin de Pey-Berland, gardien de la glace éphémère, pendant que Saint André impose sa majestueuse silhouette de pierre.
La farandole de cadeaux pendue le long d’une façade de la place du Parlement rappelle ce joli principe de Noël, celui qui fait que dans son petit soulier le matin survenu, l’extraordinaire existe bien. Quelque que soit la grosseur, la couleur, la quantité ou la qualité, ils doivent être là, posés comme par enchantement au pied du sapin familial, pour les petits comme pour les grands.
Y croire ou pas n’est que le reflet de l’âge que l’on a, ou plutôt de celui que l’on veut bien avoir en ce jour sacré. La vie de tous est si fragile que juste un peu de générosité, beaucoup d’imagination et une fabuleuse volonté d’aimer permet à chacun de nous, d’entendre s’approcher le Pole Express et de vouloir vivre son féerique trajet.
Ecrit par Denis Lalanne