« En France un guide du vin sur deux est un guide Hachette. » Comme le rappelle son directeur, Stéphane Rosa, le Guide Hachette des vins est une affaire qui marche. Avec quelque 80 000 exemplaires par an, c’est même un poids lourd de l’édition et une véritable institution. Première région du guide avec entre 1 300 et 1 500 vins décrits, Bordeaux demande vingt séances de dégustation qui mobilisent quelque 600 experts : œnologues, producteurs, négociants et courtiers. Ils sont répartis en plusieurs jurys, comprenant chacun au moins trois membres avec obligatoirement un œnologue.

Dégustation Blaye

photo Antoine Lebègue

Chaque jury goûte à l’aveugle entre douze et quinze échantillons, dont ils ne connaissent que l’appellation et le millésime. Tous les vins sont notés de 0 à 5. Le zéro (vin à défaut) et le un (vin moyen) sont éliminatoires ; les deux sont retenus et présentés dans le guide ; le trois (vin très réussi) le quatre (vin remarquable) et cinq (vin exceptionnel) reçoivent une, deux ou trois étoiles. Les dégustateurs doivent aussi décrire en détail le vin, leurs commentaires servant ensuite aux auteurs pour rédiger les notices. Enfin ils peuvent proposer un vin (minimum deux étoiles) les coups de cœur. Les bouteilles retenues sont alors mises à part pour faire l’objet d’une seconde dégustation (en fin de séance) par un « grand jury » composé de dégustateurs chevronnés.

Rédaction des fiches commentaires

photo Antoine Lebègue

Si le guide est devenu une véritable institution, sa réalisation n’a rien de routinier. Comme l’explique Stéphane Rosa, il évolue en permanence. Ainsi l’édition 2015 (parue en septembre dernier) a été marquée par une refonte complète de la maquette avec désormais une présentation plus détaillée des crus et des producteurs. Désormais aussi l’indication de la période optimale de service et de l’accord gourmand conseillé est systématique. Dans le guide 2016, en cours d’élaboration, la mise en avant de l’humain sera accentuée avec des portraits de coups de cœur.

Dégustation Bourg

photo Antoine Lebègue

Chaque année c’est un nouveau livre qui est écrit en raison de l’effet millésime. On remet les compteurs à zéro pour examiner un ou deux millésimes selon les appellations ; mais qui correspondent obligatoirement à une année dont les vins ont achevé leur période d’élevage et qui sont déjà mis en bouteille. C’est là la grande différence et, disons-le, supériorité avec les primeurs. Cette année à Bordeaux c’étaient les 2012 et 2013 en rouge et blanc liquoreux ainsi que les 2013 et 2014 en blanc sec qui étaient présentés pour le guide.

Le grand jury des communales : face à Stéphane Rosa (de g. à dr.) Jean-Pierre Dubois, Jacques Conscience, Alain Coculet, Patrick Verardo et Bernard

photo Bernard Lamarque-Bordeaux Gazette

Le moins que l’on puisse dire est que 2012 et 2013 ont été des années difficiles. « Des années de vignerons » c’est à dire des millésimes où le savoir-faire et le bien faire ont été décisifs. « Il faut s’attendre à ce que certains chapitres du guide soient plus réduits que d’habitude. » Stéphane Rosa ne cache pas que de nombreux vins n’ont pas passé le cap de la dégustation. Les verdicts des jurys sont durs mais pas sans nuances. D’abord 2012 est une année qui a souri aux merlots et, donc, au Libournais ; avec de très belles choses du côté de Pomerol, où les vins sont ronds et soyeux. Ensuite, comme le note Alain Coculet, ancien directeur technique de Phélan-Ségur qui profite de sa retraite pour participer à de nombreuses dégustations Hachette « quand les cabernets sauvignons sont bons, ils sont très bons. » Pour peu que les producteurs se montrent raisonnables sur les prix, en septembre, date de sortie du livre, les 2012 et 2013 offriront certainement d’intéressantes occasions de découvertes. Guide Hachette en main bien entendu.