Cordélia et son fantôme

Cordélia et son fantôme : Chapitre IV

Cordélia doit partager sa maison avec une colocataire très particulière ; une revenante ! (Chapitre 4)

Cordélia doit partager sa maison avec une colocataire très particulière ; une revenante !

Mildred peut, avec l’autorisation de Cordélia, sortir de la maison qu’elle hante depuis des années. Toute à sa joie elle lui précisa :

Au fait, j’ai oublié de te dire, je ne peux aller que là où tu te trouves. Oh ! je suis tellement contente cela fait cinquante ans que je ne suis pas sortie de cette bicoque ! ou presque, si on excepte les quelques fois... qui ont été trop brèves. Elle ajouta :

- bon ! on y va !

- Où ça ?

- Au boulot, tiens !

- Je viens de débaucher, on verra demain. Bonne nuit, au fait, puisqu’on en est aux confidences, qu’est-ce que tu fais la nuit, tu dors ?

- À ton avis ? et bien non, j’attends... je lis, je pense à faire une autobiographie sur ma vie antérieure.

- C’est bien ! je pourrais la li... ?! mais tu m’as dit que tu avais tout oublié !
Mildred sourit, Cordélia se demanda soudain si ce fantôme n’était pas une très vilaine menteuse.

Mildred qui prétendait ne pas se souvenir de son passé ante mortem, prétend aujourd’hui écrire ses mémoires ! En attendant Cordélia avait donné l’autorisation à Mildred de la suivre jusqu’à son travail et à peine avait-elle passé le seuil de l’immeuble que le chef de Cordélia, un jeune homme tout frais sorti d’une très bonne école très chère, arrivait. Fonçant droit sur elle comme une torpille sur un sous-marin ennemi, les sourcils froncés de celui qui n’est pas content et la lippe haineuse d’un garçon outragé, il s’adressa à celle-ci du ton méprisant de celui qui aime le pouvoir que vous donne la hiérarchie.

- Mademoiselle ! vous arrivez en retard !

Cordélia jeta un regard à sa montre et dit calmement :

- Oui, dix minutes.

Le jeune chef qui s’attendait à ce qu’elle justifie ce manquement et quelle prenne en plus une attitude plus humble et plus en accord avec sa condition d’employée de bas étage, en fut si stupéfait qu’il ne dit rien et partit de son côté.

Mildred chuchota à l’oreille de Cordélia

- si tu veux je m’en occupe !

- Et comment ? il ne peut pas te voir !

- Si je ne veux pas qu’il me voie, il ne me voit pas, mais...

Il y eut un silence.

- Quoi ? Mais.

- Tu vas voir ! 

Mildred s’évapora jusqu’à l’auto du jeune patron qui démarrait et soudain, elle prit la forme d’une terrible grande faucheuse tenant la lanterne du temps apparaissant brusquement devant sa voiture. Le garçon en voyant la bestiole qui hurlait, fonça dans l’apparition qui se mit à rire. Dans un bruit de dérapage affolé, Cordélia put voir en passant, la mine épouvantée de son supérieur. Elle crut qu’il ne reviendrait jamais, mais après cet espoir fulgurant de voir ses problèmes disparaître, l’après-midi même, elle vit revenir le petit chef. À présent, à son cou, se balançait une petite croix qui était probablement censée éloigner les mauvais esprits.

La tentative avait échoué. Déçue, Cordélia décida alors qu’elle allait changer de travail. Après tout, puisque les fantômes existent, tout est possible ! et puis Noël approchait, un miracle pourrait bien arriver ! Plus tard, elle réfléchit raisonnablement à entamer une reconversion. Quand elle s’en ouvrit à Mildred, celle-ci lui dit que ce serait une idée formidable et qu’elle voyait que son amie avait un avenir radieux devant elle, dans le domaine de l’écriture. Cordélia, après un temps d’étonnement, voyant le visage, pour une fois concentré et sérieux de Mildred, eut envie de la croire.

Cette dernière commença son autobiographie. Il y avait quelques années de cela, avant la naissance de Cordélia, elle avait pu assister à ses propres funérailles ; pleurant à chaudes larmes à l’écoute du discours du prêtre particulièrement loquace. En effet, le jeune orateur appréciait les enterrements de femmes disparus qui lui donnaient l’occasion de donner toute la puissance de sa spectaculaire émotivité :

« Martine nous a quittés après vingt-deux ans d’une vie terrestre tourmentée. Quelle cruauté, certes, sa famille pleure son départ, mais Dieu l’a accueilli dans ses bras, son amour sans limites l’attendait, réjouissons-nous ! »

La famille réduite à une vieille demoiselle éplorée ne parut pas tant se réjouir malgré l’injonction de l’officiant. Elle reniflait bruyamment se retournant de temps en temps pour vérifier si quelqu’un de la famille voulait bien se joindre à son chagrin.

La cérémonie s’acheva et le cercueil sortit de l’église au son d’un orgue grinçant. Martine, qui ne s’appelait pas encore Mildred, suivit le corbillard jusqu’au cimetière, mais ne put assister à l’inhumation. Fraichement promue ectoplasme, elle ne maîtrisait pas encore ses déplacements. Comme tous les soirs, sans qu’elle puisse se l’expliquer, elle se retrouvait debout dans sa maison, au milieu du salon. À chaque fois, elle se sentait dépassée, riant et pleurant tout à la fois.

Elle sut qu’elle était morte dès la première seconde qui avait suivi le choc au fond de sa poitrine. Terrassée brusquement alors qu’elle cherchait ses lunettes dans son sac pour consulter les horaires du tramway. Heureusement, dès les premières minutes, un fantôme très obligeant la prit sous son aile pour lui expliquer la situation. C’était un très jeune homme au sourire adorable entouré d’une aura brillante comme un soleil qui la rassura, mais dès qu’elle voulut poser la fameuse question « pourquoi ? », il disparut.

- Tu commences ta bio comme ça ?

- Oui pourquoi ?

- C’est plutôt la fin il me semble et dis-moi donc, tu t’appelles Martine ? Et tu parles à la troisième personne ?

- Oui, oui, et oui. Voilà, j’ai répondu à toutes tes questions, je continue.
Évidemment, c’est Cordélia qui écrivait sous la dictée de Mildred.

- Il n’y avait pratiquement personne à mon enterrement, pourtant à cette époque je vivais une histoire d’amour extraordinaire...

- Ho, c’est vrai ?

- Oui, avec Pascal Dumontier, un jardinier, le plus beau et le plus gentil des hommes de la terre. Quand je suis morte, il n’est même pas venu à mon enterrement ! la dernière partie de sa phrase mourut dans un soupir.

- Dumontier Pascal ! mais je le connais ! C’est mon oncle.

...LA SUITE MERCREDI PROCHAIN ...

Ecrit par Marie-Laure Bousquet

Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk


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