Solutions solidaires : c’est le nom de l’événement organisé par le Conseil Départemental de Gironde depuis 2019. Cette troisième édition qui a eu lieu du 2 au 3 février, s’est déroulée en ligne par soucis de sécurité. Pendant trois demi-journées, élus, associations mais aussi civils se sont rencontrés et ont échangé sur des thèmes tels que l’habitation ou l’écologie afin de trouver ensemble les meilleures solutions.
Une édition inédite
Pour cette édition de 2021, qui a débuté le mardi 2 février à 14h, le changement était au rendez-vous. En effet, dans un contexte sanitaire, économique et social inédit, l’évènement solidaire initié par le département girondin a dû s’adapter. A commencer par une rencontre presque entièrement dématérialisée. A part la présence de 3 ou 4 intervenants, dans le respect des gestes barrières, pour les ateliers solidaires, les autres participants se sont vu intervenir par Zoom, nouvel outil indispensable de cette pandémie. Le tout pouvait être suivi en direct sur le site internet https://www.solutions-solidaires.fr/. Autre nouveauté, des initiatives et recherches de solutions en regard croisé avec d’autres métropoles, avec comme invité de nombreux maires et présidents des Conseils départementaux (CD). Étaient notamment présents Anne Hidalgo, maire de Paris, Anne Vignot, maire de Besançon, Nathalie Appéré maire de Rennes, Pierre Hurmic, maire de Bordeaux mais aussi la présidente du CD de Meurthe-et-Moselle, de l’Ardèche avec monsieur Laurent Ughetto, ou encore Philippe Grosvalet, président du CD de Loire Atlantique. Ce dernier a d’ailleurs pris la parole lors de l’ouverture de l’évènement en rappelant que contrairement à d’autres départements, la Loire Atlantique et la Gironde étaient des départements où il faisait bon vivre. Cependant, une vulnérabilité existe et persiste et ne date pas de la crise actuelle. « L’alerte a été donnée mais n’a pas été entendue et la crise exacerbe à présent [cette vulnérabilité]. Les solutions existent, encore faut-il les écouter ! » affirme-t-il. C’est la raison pour laquelle cette initiative solidaire a été mise en place. Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de Gironde, parle d’une occasion historique qui nous est offerte de placer la solidarité au cœurs des transformations. « Plutôt qu’une parenthèse sombre dans notre histoire, faisons de l’épreuve collective que nous vivons un électrochoc pour accélérer les transitions et ouvrir des perspectives positives pour notre avenir ! […] N’hésitons pas à tenter, osons rater mais osons aussi réussir : c’est par la volonté collective que nous y arriverons » s’est-il exprimé lors de l’ouverture des solutions solidaires.
- Philippe Grosvalet
La crise sanitaire au cœur de cette édition 2021
Autres nouveautés bien sûr, les sujets évoqués. En plus des thèmes abordés les années précédentes, la crise sanitaire, l’isolement et le numérique étaient au centre des préoccupations de cette édition inédite. Pascal Brice, président de la fédération des acteurs de la solidarité, a tenu à préciser : « Nous sommes dans une crise profonde et qui implique des mesures urgente mais aussi des mesures dans la durée. Certaines catégories de la population sont en extrêmes galères et précarité. ». Les étudiants et la jeune population, ont eux aussi été mis en lumière, beaucoup souffrant de cette précarité. Pascal Brice a énoncé comme éventuelle solution une extension du RSA ou un budget jeune universel. Autre sujet mis sur la table : la prise en charge de la santé mentale. Qu’elle soit pour les étudiants mais aussi les personnes en EPHAD et les travailleurs. Rebecca Bunlet, directrice de l’URIOPSS (l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) a avoué avoir été dépassée : « Nous avons mis en place une cellule d’écoute psychologique et nous avons senti une vraie détresse notamment des travailleurs. Nous avons été dépassés par le nombre d’appels ». Elle souligne malgré tout l’importance de l’écoute, de l’empathie et de la bienveillance en ces temps difficiles. En les appliquant, on désamorce déjà certaines situations. « Ces principes sont revenus au centre de nos priorités. On avait moins l’habitude de les voir et les voilà de retour » nous dit-elle. Il semble indéniable que malgré la crise sans précédent que nous vivons, une part d’humanité et d’entraide nous a rattrapés, rendant les interactions sociales plus réels et sincères. Et celles-ci sont notamment possibles grâce au numérique, devenu un enjeu majeur. Bien que l’on ait observé un retour aux communications plus traditionnelles à savoir le courrier ou le téléphone, les outils numériques et notamment les applications de visioconférences ont connu un réel boom depuis 2020. Mais pour Clément Mabi, maître de conférence en Sciences de l’Information et de la Communication et spécialistes des usages numériques, l’essentiel repose sur un accompagnement avec des moyens humains. « Le numérique peut être un outil de mise en capacité d’agir mais aussi en incapacité d’agir. Au-delà de la fracture générationnelle qui n’est pas si représentative, ce sont 12% des français qui sont les plus éloignés du numérique » explique-t-il. Il précise que le principal frein est l’exclusion des personnes sur les réseaux car si vous n’avez rien à faire sur Internet, alors vos usages seront fragiles. Le numérique est donc un outil formidable mais l’humain doit rester au centre de tout.
- Place à la visioconférence, à la téléconférence, à l’absence de relation réelle
Les projets nés pendant cette crise
Mais si l’on constate l’aggravement d’une crise sociale et économique lié aux évènements de ces derniers mois, il ne faut tout de même pas oublier les initiatives mises en place pendant cette crise sanitaire. La solidarité, l’entraide mais aussi l’échange, parfois intergénérationnel étaient au cœur de ces beaux projets. Wiame Benyachou et Laurence Bardon étaient notamment présentes pour nous parler de l’atelier Remu’Ménage. Cette association a pour but de proposer un service d’aide au déménagement social et solidaire sur l’ensemble du département de la Gironde pour les personnes à faibles revenus. L’association contribue ainsi à l’intégration économique et à l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Elle participe directement au renforcement de la cohésion sociale. En plus des traditionnels déménagements, l’association a reçu beaucoup d’appels à l’aide, de demande de déménagements pour pouvoir vivre autre part. En effet, du fait des deux confinements au printemps et à l’automne dernier, les violences domestiques ont augmenté. Alors, quand une femme par exemple, quitte son logement dans la précipitation, elle peut faire appel à Remu’Ménage qui l’aidera à démanger les affaires qu’elle a laissé chez elle en partant dans l’urgence. Un autre projet a vu le jour, cette fois-ci initié par des étudiants. Radio Libellule est une association entre un groupe d’étudiants à l’Université de Bordeaux Montaigne et ReSanté-Vous, des professionnels spécialisés dans le domaine de la gérontologie. Cette radio est née d’un désir de relation entre les générations. Alors chaque semaine, une émission est diffusée, en partenariat avec Radio Campus de l’université de Bordeaux. Comme invités hebdomadaires, on retrouve des actifs, des associations culturels mais surtout … des retraités ! Emilie Rethoré, membre de Radio Libellule, nous explique : « Le but était de créer du lien entre les « libellules », essentiellement étudiants et des personnes en EPHAD, qui sont, d’une certaine manière, « confinées depuis plus longtemps ». Ils permettent alors aux retraités qui le souhaitent de devenir chroniqueurs, mais aussi de faire des retours aux étudiants concernant leur travail. Ces chroniques amènent sur la scène publique des récits que l’on entend peu. « On a voulu créer un trait d’union entre les générations. Une relation épistolaire et sonore, pour faire vivre un récit transgénérationnel ».
- L’enjeu du logement
Ecologie et logement : deux enjeux majeurs
En parallèle, les traditionnelles initiatives de logement et surtout celles écologiques étaient aussi de la partie. En effet, l’écologie est un sujet qui inquiète de plus en plus et qui nécessite des projets et évolutions sociétales pour maintenir une planète saine et vivable. Selon une étude réalisée par Jérôme Fourquet de l’IFOP : « Si l’épidémie de coronavirus impacte bien entendu cette étude (les questions de santé préoccupent 44% des personnes interrogées), il ressort que les plus grands changements pointés par les sondés sont le réchauffement climatique (48%) suivi de près par les écarts de richesses (37%) ». Pour Clémence et Chloé, la crise est intervenue en plein milieu de leur projet. Mais grâce au premier confinement, on a notamment constaté une explosion du faire soi-même, à la maison. Si cela était bien sûr en partie lié à la contrainte de rester constamment à son domicile, les deux jeunes femmes veulent aussi y voir une envie de nouveaux modes de consommation et des engagements plus profonds dans une transition écologie. Cela correspond parfaitement à leur projet : créer un lieu de vie nommé « La Boucle ». Cet endroit permet entre autres la réparation mais aussi le réemploi. C’est un lieu d’échange où l’on redonne une seconde chance à nos objets théoriquement en fin de vie. « Et aujourd’hui, on réalise d’autant plus qu’on a besoin d’espaces comme ça, ou l’on se rencontre. On voit bien que les gens ne supportent plus leurs écrans » affirme l’une d’elle. Autre initiative citoyenne, celle d’Alexandre Brun et son projet La Maison Tortue. Bien que celui-ci n’est encore qu’une ébauche, le projet vise à promouvoir la propriété d’habitations légères : la tiny house. Celle-ci est fabriquée en deux ou trois mois et est modulable. Comment est-ce possible ? En transformant des containers maritimes en habitation. Très écologiques, ces petites maisons permettent de donner une seconde vie à ces grands contenants de deux à trois tonnes d’acier. L’objectif d’Alexandre est, à terme, de créer des écovillages. Plus largement, la question du logement pour les plus précaires a été évoquée avec comme mot d’ordre : « Il faut construire ! Construire davantage mais surtout construire mieux ». Depuis février 2020, l’association ACLEF vient en aide aux étudiants bordelais qui sont « au milieu, à savoir trop riche pour être au CROUS mais trop pauvre pour être dans le milieu privé » selon Anne-Cécile Dockès, membre de l’association. Avec CoopColoc », des bailleurs sociaux confient à l’ACLEF des logements pour que celle-ci les reloue en colocations meublées à des étudiants. Les bénéficiaires de « CoopColoc » disposent donc d’un logement de qualité à des prix inférieurs au prix du marché.
Ecrit par Noémie Renard