Bordeaux

Le tragique destin des « Recluses » de Bordeaux

Sur l’actuelle place Gambetta, lorsque vos pas vous mènent à l’angle de la rue Judaïque et de la rue du Palais-Gallien, vous êtes tout près de la « Chapelle de la Recluse Saint Ladre » (Saint Lazare) construite au IXème siècle et détruite en 1452 par le Comte anglais John Talbot qui démolit une grande partie du quartier lors de son siège de Bordeaux, avant d’y entrer avec ses troupes.




La « Mode » des Recluses

Au Moyen-âge le phénomène des recluses était très répandu. Chaque grande ville en possédait. Installées à Paris sur la rive gauche de la Seine et dans le cimetière des Innocents, elles sont aussi à l’époque une bonne dizaine à Lyon. A Bordeaux, il y’en aura trois en même temps au XIIIème siècle, à Saint Ladre, dans la paroisse de Saint Eloi dont la demeure bordait la rue Saint-James et aussi dans la paroisse Puy-Paulin.
Exilées aux portes des cités, « sentinelles » spirituelles, la plupart du temps issues des classes populaires, pauvres et affectées soit d’une maladie, soit d’un deuil, en somme des personnes n’ayant plus grand-chose à perdre. Comment donc espérer pour ces femmes ou hommes déjà pauvres, devenir saints et faire vœu d’humilité si ce n’est en se privant de tout et en sacrifiant leur vie même.
Vue panoramique de Bordeaux en 1660-1669
La vie des « Recluses »

Les « recluseries » étaient des petites loges situées à l’entrée des bourgs ou des villes, hors de l’enceinte et souvent sur des ponts. La personne qui consentait à y vivre, s’y enfermait, demeurait seule et n’en sortait qu’à l’état de cadavre. La Recluse (ou le Reclus) était là pour prier Dieu, afin d’épargner à la cité tous les maux (guerres, famines, épidémies), de quoi à l’époque rassurer les habitants, grâce à cette protection surnaturelle.
La séquestration dans un cube de maçonnerie humide et étroit, souvent envahi par le froid, l’impossibilité de s’y mouvoir, sont le lot de la recluse, elle n’a de nourriture que ce qu’on voudra bien lui porter et se trouve réduite à converser à travers une grille avec ceux qui veulent bien lui faire l’aumône de la parole. Très souvent, elle ne résiste pas très longtemps à de telles conditions de vie. L’aspiration au sacrifice, l’utilité de la souffrance pour obtenir les récompenses célestes ont cependant à l’époque fait germer les « recluseries ».
Extrait du plan de Bordeaux en 1450
Le choix des « Recluses »

Les recluseries recevaient indistinctement hommes ou femmes, les plus méritants l’emportant ! Le plus souvent il s’agissait de femmes, très souvent des veuves qui semblaient résister bien davantage que les hommes. Une lente torture solitaire exigeant certainement une foi profonde et austère pour aller jusqu’à l’abandon de soi en vue d’une mort sainte et désirée, ainsi peut peut-être s’expliquer une abnégation religieuse bien étrange de nos jours, mais tout à fait admise au XIIIème siècle.
Très peu de choses de cette époque restent encore visibles à Bordeaux, si ce n’est une niche dans un coin de mur à pan coupé, à l’angle de la rue Judaïque et de la rue du Palais-Gallien (qui s’est d’ailleurs appelée auparavant rue de la Croix de l’Epine) et une impasse (Saint-Lazare) qui donne dans cette même rue, un peu plus loin sur la gauche.

Source : Contes et Légendes du Vieux Bordeaux Michel Colle.

Ecrit par Dominique Mirassou


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