Bordeaux
Trois étudiantes bordelaises ont imaginé une application pour faire face au harcèlement de rue. Le fonctionnement de Mates repose sur des principes de solidarité et de communauté
Maya, Zoé et Mathilde, trois étudiantes de Kedge, développent une application pour lutter contre le harcèlement de rue. L’idée est née il y a quelques mois, lorsqu’elles font un constat : il est devenu compliqué de marcher seule dans les rues. Elles réalisent, à travers les témoignages de leur entourage, que beaucoup ont subi au moins une fois, cette forme de harcèlement. Un sondage de l’IFOP en partenariat avec le site d’information vieHealthy.com révèle en 2018, que huit Françaises sur dix ont été confrontées à au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ou les transports en commun. Pour les jeunes entrepreneuses, il existe une solution : la solidarité, valeur sur laquelle repose entièrement l’application Mates (amis en anglais). L’idée d’entraide et de communauté est importante pour les trois étudiantes. Avec Mates « chacun prend 30 secondes de son temps pour sécuriser le trajet des autres » explique Zoé. Pour cela, deux fonctionnalités ; le service de localisation et celui de « co-piétonnage ». Dans le premier cas, les membres de l’application peuvent signaler des situations ou des rues leur apparaissant comme un potentiel danger. Il peut s’agir d’un quartier peu éclairé, ou encore d’un groupe de personnes aux propos déplacées. Ces informations, ainsi qu’un service de géolocalisation, sont utilisées afin de fabriquer un nouvel itinéraire, évitant les zones à risques. « Une espèce de Waze du piéton ! » Plaisante Maya, l’une des trois entrepreneuses, « Sinon, dans le cas où les utilisateurs ne se sentent toujours pas en sécurité seuls, ils ont la possibilité de faire du co-piétonnage. »
- Rue le soir
Cette deuxième fonctionnalité propose aux membres de l’application de partager une partie de leur trajet ensemble. « Certains autres paramètres seront peut-être ajoutés, comme un numéro d’urgence pour contacter rapidement la police » ajoute Zoé. Afin d’éviter la présence d’utilisateurs malintentionnés, des papiers d’identité seront requis lors de l’inscription, et des commentaires et avis pourront être laissés sur les différents profils. « Peut-être que nous installerons aussi un principe de parrainage, pour s’assurer que Mates devienne un réseau constitué de personnes de confiance. » L’application est encore en phase de développement. « Nous allons prochainement entrer en contact avec des développeurs. » racontent les jeunes femmes, « le but des prochains mois est de s’entourer des bonnes personnes, qui pourront nous guider et nous conseiller au mieux ». Leur objectif ? Que Mates soit disponible dès la reprise de la vie « normale » en France, à l’arrêt depuis mars dernier compte tenu de la crise sanitaire. Dans un premier temps, l’application ne sera disponible qu’à Bordeaux. La rendre accessible à l’échelle nationale n’est pas exclu des trois entrepreneuses. Maya, Zoé et Mathilde ont planifié de mener une campagne de communication. Elles ont d’ores et déjà créé une page Instagram, ainsi qu’un site internet, dédiés à l’application. En une semaine, @matescommunity a récolté près de 500 abonnés. « Nous recevons beaucoup de soutien. Depuis le début du projet, un grand nombre de personnes se sentent concernées par ce que nous faisons ».
- Logo de l’association
Durant leur phase de recherche, elles ont créé un sondage, portant sur le harcèlement de rue, et l’ont diffusé sur leurs réseaux sociaux. Environ 1200 témoignages leur ont été apportés, et parmi eux, ceux de 840 personnes attestant avoir déjà subi au moins une fois ce type de harcèlement. Plus inquiétant encore, 47 personnes indiquaient avoir été victime d’agressions sexuelles dans la rue. « Sur notre page Instagram, nous invitons les utilisateurs à témoigner de leurs histoires, suivre notre actualité, et pourquoi pas, nous soumettre des idées pour le bon déroulé de l’application » explique l’une des jeunes femmes. « Cet engouement et cet engagement qu’il y a autour de Mates nous motivent d’autant plus à poursuivre ». Afin de couvrir leurs premiers frais, elles ont lancé une cagnotte en ligne, récoltant très vite plus de 700 euros. D’après un communiqué de presse de Kedge, Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du Ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, a apporté son soutien à Mates en transmettant un mot d’encouragement à l’équipe du projet.
Ecrit par Amandine Dargenton