Bordeaux
Fils d’une très nombreuse famille bordelaise, Jean de la Ville de Mirmont naquit le 2 décembre 1886, 2, rue Thiac à Bordeaux. Son père, professeur de littérature latine est aussi adjoint délégué à l’instruction publique au maire de l’époque, Alfred-Daney. En donnant son nom à la bibliothèque du quartier Saint-Augustin, la ville de Bordeaux lui a rendu un hommage mérité.
Une enfance douloureuse
L’histoire nous dit que son enfance fut marquée par la disparition brutale de plusieurs de ses frères et sœurs, et que lui-même tenta de se suicider en avalant une bouteille d’encre. En octobre 1896, il entre au lycée de Bordeaux (aujourd’hui Lycée Montaigne), et s’adonne à la lecture des romans d’aventure « Robinson Crusoé », « Don Quichotte », « Gulliver ». Entre 1904 et 1906 il fréquente la Faculté de Lettres de Bordeaux et rencontre François Mauriac avec lequel il entretiendra une grande amitié. Un brillant mémoire sur Montaigne, Paul Jove et Du Bellay lui vaudra d’obtenir sa licence en 1906.
La vie parisienne poétique et trépidante
En 1908, âgé de 22 ans, il s’installe à Paris, où il est employé à la Préfecture de la Seine et chargé de l’assistance aux vieillards. En compagnie de François Mauriac il taquine par ailleurs la muse, écrit ses premiers poèmes tout en fréquentant jusqu’à l’aube les caves du Quartier Latin. « Nous nous étions fourvoyés dans une cave exigüe et puante où s’entassaient de misérables filles et des hommes à gueules d’assassins ». (François Mauriac Bloc-notes).
Ses rêves, son œuvre
Tout jeune, Jean de la Ville a rêvé de devenir marin mais sa petite santé l’en empêche. Dans ses contes nostalgiques, il décrit de façon prémonitoire les pétrels « ces oiseaux myopes vivant au bord de l’océan, qui tentent de voler jusqu’au soleil mais dont quelques uns, épuisés, se détachent brusquement du groupe pour tomber, sous un coup de fusil, la tête en avant et les ailes pliées ». En 1911, il publiera dans Paris-Journal, un de ses premiers contes « City of Bénarès », puis en 1914, son roman « Les dimanches de Jean Dézert », chef d’œuvre préfacé par son ami François Mauriac, et publié quelques jours avant son départ pour la guerre.
Guerre et mort prématurée d’un poète
En 1914, Jean de la Ville de Mirmont, bien que réformé, s’engage pour la durée de la guerre au 57ème régiment d’infanterie qui se trouve à Libourne. Le 26 septembre il part pour le front comme sergent. Alors qu’il monte la garde et refuse la relève, le 28 novembre un obus ennemi vient pulvériser la tranchée. Retiré des décombres la colonne vertébrale brisée et la nuque enfoncée, il succombe au Chemin des Dames. Ses derniers mots « Maman, maman » reviennent à la personne qu’il aime le plus. Sa mère et ses amis publieront en 1917 à titre posthume « Lettres de guerre » ainsi que « L’horizon chimérique », recueil de poésies, dont certaines ont été mises en musique par Gabriel Fauré, et déclamées par Philippe Noiret lors d’une Fête du Fleuve. En 1992, l’ensemble de l’œuvre de Jean de la Ville de Mirmont a été repris par les éditions Champ Vallon avec une préface de Michel Suffran.
Nul n’étant prophète en son pays, en dépit de récents hommages officiels de la part de notre cité, une bibliothèque porte désormais son nom, Jean de la Ville de Mirmont, magnifique romancier et poète, mort très jeune, beaucoup trop jeune (28 ans) comme du reste Alain Fournier (27 ans), est mal connu des bordelais. Nul doute qu’il mérite notre souvenir admiratif et reconnaissant, ces quelques lignes ne pourront que vous en convaincre, tous les petits bordelais devraient apprendre son magnifique poème : Je suis né dans un port
: « Je suis né dans un port et depuis mon enfance /J’ai vu passer par là des pays bien divers. /Attentif à la brise et toujours en partance, /Mon cœur n’a jamais pris le chemin de la mer.
Je connais tous les noms des agrès et des mâts, /La nostalgie et les jurons des capitaines, /Le tonnage et le fret des vaisseaux qui reviennent /Et le sort des vaisseaux qui ne reviendront pas.
Je présume le temps qu’il fera dès l’aurore,/La vitesse du vent et l’orage certain, /Car mon âme est un peu celle des sémaphores, /Des balises, leurs sœurs, et des phares éteints.
Les ports ont un parfum dangereux pour les hommes /Et si mon cœur est faible et las devant l’effort, /S’il préfère dormir dans de lointains arômes, /Mon Dieu, vous le vouliez, je suis né dans un port.
L’Horizon chimérique, Jean de la Ville de Mirmont.
Source : Les Illustres de Bordeaux – Les Dossiers d’Aquitaine.
Ecrit par Dominique Mirassou