Bordeaux
Tout était réuni, en effet, pour faire de ce concert, un événement hors norme. Nous ne fûmes pas déçus !
Deux immenses chefs d’orchestre d’abord, de tempérament différent, évoluant l’un et l’autre au sommet de la classe internationale :
Valéry Gergiev, directeur Artistique et Général du très célèbre Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg, et Paul Daniel, directeur Musical depuis 2013 de l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine (ONBA). Un ensembe de cordes absolument merveilleux qui était précédé d’une réputation d’excellence qu’il justifia au delà de l’espérance : le Mariinsky Stradivarius Ensemble fondé en 2009 par Valéry Gergiev, composé de 23 des plus prestigieux instrumentistes à cordes de l’orchestre du Mariinsky. Cerise sur le gâteau, "équipés" d’instruments de légende, Amati, Stradivarius, Guarnerius, etc... dont la collection fut, à ma connaissance, constituée par l’Etat Soviétique qui prétait alors ces merveilles à des artistes aussi fabuleux que David Oistrakh, Léonid Kogan ou Mstislav Rostropovitch, entre autres...
Trois œuvres entièrement dédiées à la musique pour cordes, ces cordes qui sont l’ossature de tous les orchestres symphoniques, sans pour autant que cela diminue l’importance et la valeur des autres pupitres, vents, percussions, etc...
Enfin, il y avait pour ce concert de chambre, l’écrin à la fois somptueux et intimiste de notre Grand Théâtre XVIIIème dont Valery Gergiev, dit on, est tombé amoureux au point de mettre en œuvre une coopération étroite d’échanges entre le Mariinsky, dont l’histoire débute aussi au XVIIIème siècle, et notre célèbre Grand Théâtre.
Les conditions exceptionnelles que je viens de décrire ne pouvaient aboutir qu’à une soirée musicale éblouissante ; ce fut le cas, je confirme le qualificatif !
Le concert commençait par les "Métamorphoses" de Richard Strauss (1864-1949) que l’auteur lui même définit comme une étude pour 23 instruments à cordes solistes. Valéry Gergiev était au pupitre. Une particularité de cette composition réside dans le fait que chacun des 23 musiciens a devant lui une partition qui lui est propre et qui fait de lui un soliste à part entière. Ce qui permit aux auditeurs de cette soirée (le Grand Théâtre était archi-comble) d’apprécier le talent individuel de chaque artiste de cet ensemble, violons 1 et 2, alti, celli, contrebasses. L’autre particularité de l’œuvre écrite par Richard Strauss à la fin de sa vie, est l’absence de thème principal, mais une sorte de réflexion harmonique hardie sur le thème de la métamorphose chez l’être tel que la philosophie grecque l’envisageait. Valéry Gergiev, de ses mains frémissantes, obtient sans difficulté de ses cordes des nuances bouleversantes, des pianissimi diaphanes, une volupté sonore de rêve ! Le public faisant preuve d’une qualité d’écoute à souligner, resta de longues secondes silencieux à la dernière note, avant de laisser éclater son enthousiasme.
Nous n’étions pas au bout de notre plaisir ! Après la pause, Paul Daniel montait au pupitre, si l’on peut dire d’ailleurs, car comme Valéry Gergiev, il dirigeait sans podium afin de communiquer au plus près avec les musiciens. La Sérénade pour cordes d’Edward Elgar, compositeur britannique (1857-1934) nous mettait dans une autre atmosphère que l’œuvre de Richard Strauss. Le critique Robert Pierron la ressent très justement pastorale, mélancolique et même sublime dans le "larghetto". J’ajouterai délicate et légère. Paul Daniel sert admirablement la musique de son compatriote ; il est d’une précision parfaite n’excluant ni la tendresse ni le charme. Et il obtient lui aussi de l’ensemble orchestral des nuances subtiles et une fluidité de sonorités epoustouflante, les musiciens en accord total avec leur chef d’un jour. Gros succès également pour Paul Daniel, enfant chéri des bordelais, à juste titre.
Le bouquet final de ce concert revenait à nos visiteurs russes, Valéry Gergiev en tête, et à la célébrissime sérénade pour corde de Tchaikovski. Nos amis du Mariinsky Stradivarius Ensemble et leur chef sont encore une fois au top niveau dans l’œuvre si séduisante de l’un de leurs plus grands compositeurs. Du délire, vous dis-je, chez le public ne voulant plus laisser partir les artistes ! Mais récompensé, en bis, par la valse envoutante de la Sérénade. Quel concert ! Il restera dans toutes les mémoires ! En tout cas dans la mienne. Bravo Mesdames, Messieurs les artistes ! Revenez vite !
Ecrit par Sarastro