Bordeaux
Bordeaux n’eut de grands restaurants que tardivement. La gastronomie bordelaise faite de la synthèse de ce que pouvait apporter de meilleur l’ensemble de l’Aquitaine, était traditionnellement familiale, et ses artisans en étaient les cuisinières landaises que les bonnes maisons s’arrachaient. De plus, les mets étaient subordonnés aux vins, et ils ne devaient pas par une saveur trop forte nuire à leur dégustation.
Le premier restaurant de renom « Le Chapon fin »
Alors que Dubern ouvrira en 1914, c’est à la fin du XIXème siècle que le « Chapon fin » impose son renom.
En 1897, un homme du monde très éclectique, collectionneur avisé et escrimeur redouté, Louis Mendiondo, prend la direction d’un vieil hôtel-restaurant créé vers 1825 à l’angle des rues Montesquieu et Fénelon, le Chapon fin. A ses débuts, simplement fréquenté par les habitués du quartier et les acteurs du Théâtre Français, l’établissement est reconstruit en 1844, et un hôtel lui est adjoint. Mendiondo va tout bouleverser en faisant appel à Cyprien-Alfred Duprat, jeune architecte qui va composer pour le restaurant un extraordinaire décor de rocaille, tout en conservant dans le centre du restaurant, le dernier des platanes plantés au XVIIIème siècle sur ce terrain alors occupé par le couvent des Récollets.
Un jeune chef catalan
Mendiondo va ramener de Paris un jeune chef Catalan du nom de Joseph Sicart. Travaillant au célèbre « Café Anglais » ce jeune chef va accepter de venir à Bordeaux et compléter remarquablement les relations mondaines de Mendiondo pour attirer une riche clientèle. Faisant de Bordeaux une ville étape pour les possesseurs d’automobiles, le Chapon fin mettra même à la disposition de ses clients une pompe à essence. Les mets et la cave du restaurant vont jouir d’une grande renommée.
Des Souverains et des Vedettes
De nombreux souverains fréquentent le « Chapon fin », le roi Manoël de Portugal, Prince de Galles futur Edouard VII, et surtout avec une grande fidélité, Alphonse XIII qui finira par y avoir sa cave particulière. Des vedettes de passage pour un gala viennent goûter la cuisine de Sicart.
En 1901 Mucha, entrainé par Maurice Desbans, critique d’art de la « Petite Gironde », paye son écot en exécutant deux panneaux peints destinés à l’entrée du restaurant où dîne Toulouse-Lautrec avant de se rendre au Grand-Théâtre ou d’aller peindre rue Porte-Dijeaux dans la réserve du marchand de tableaux Imberti. Sem en compagnie de Paul Berthelot essaye au Chapon fin un talent de dessinateur qui trouvera la consécration à Paris dans la fréquentation du Maxim’s. Après le deuxième passage du gouvernement de la France à Bordeaux, en 1914, le Chapon fin deviendra le plus célèbre restaurant de Province.
Quel Appétit !!!
Que dire de l’appétit de nos ancêtres, à la lecture de la « Vie Bordelaise » qui nous donne en 1902 un menu caractéristique de l’époque : « Potage Sévigné et coulis d’écrevisses, saumon à la Daumont, timbales de filet de lièvre grand veneur, selle d’agneau aux pointes d’asperge, sorbet Offenbach, poularde de Bresse truffée, petits pois à la française, aspic de foie gras en Bellevue, salade des Gobelins, glace napolitaine et dessert plus un beau choix de vins : Mission Haut-Brion 1875, Château Margaux 1875, Château Latour 1875 etc …. Champagne Jacquesson brut et grande fine Champagne » Menu certes pas à la portée de toutes les bourses, même si le prix n’est pas indiqué. Mais encore moins à la portée de nos estomacs de plus en plus soucieux d’éviter tout surmenage !!! Bien que moins réputés, de nombreux autres restaurants étaient assidûment fréquentés par les bordelais. Nous en reparlerons.
Sources :
« La Belle Epoque à Bordeaux » Albert Rèche
« Histoire de Bordeaux » Lerat – Etienne – Higounet – Poussou – Butel – Guillaume.

Ecrit par Dominique Mirassou
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