Classée 4ᵉ lors d’une étape du France Pizza Tour, la pizza Barbabietola de Pierre Rigothier a mis en lumière le travail mené à la pizzeria Felicità, à Libourne. Une reconnaissance pour ce cuisinier de formation, passé par la gastronomie étoilée, qui défend aujourd’hui une pizza au levain naturel, élaborée à partir de farines locales bio, et proposée à des tarifs contenus. Une même cohérence relie Felicità à la Trattoria de Vayres, ancienne Lune.
Un parcours de chef avant la pizza
Avant de se consacrer pleinement à la pizza, Pierre Rigothier a construit son parcours dans les cuisines gastronomiques. Formé au lycée hôtelier de Bordeaux, il fait ses armes à Paris dans des établissements de haut niveau, avant de poursuivre sa carrière à l’étranger, notamment en Angleterre.
Il officie notamment à Londres et à Newcastle, où il affine une cuisine structurée et rigoureuse, avant de revenir à Paris au début des années 2010. Il rejoint alors l’hôtel Le Burgundy, où il participe au maintien de l’étoile Michelin du restaurant Le Baudelaire. Quelques années plus tard, il prend part au projet de La Scène Thélème, table parisienne mêlant gastronomie et univers théâtral, récompensée par une étoile en 2017.
Ce parcours nourrit aujourd’hui encore sa vision. « La pizza, c’est un métier », répète-t-il, en la comparant volontiers à la boulangerie ou à la pâtisserie : un savoir-faire spécifique, des gestes précis, un rapport direct au temps et à la matière.
Choisir Libourne, une décision de vie
Avec Muriel, son épouse, Pierre fait le choix de quitter Paris pour revenir en Gironde. L’installation à Libourne n’est pas un hasard. « On ne voulait pas monter sur Bordeaux ni aller à Saint-Émilion », explique Muriel. « L’idée, c’était de cuisiner là où l’on vit, pour les gens que l’on croise au quotidien. »

- Pizzeria Felicità
- 2 Quai Général d’Amade,
33500 Libourne
Felicità s’inscrit ainsi dans une logique de proximité, sur les quais de Libourne, avec une terrasse ouverte sur la ville. Une pizzeria pensée comme un lieu de vie, plus que comme une adresse vitrine.
Levain naturel et temps long, une pâte vivante
Chez Felicità, tout commence par la pâte. Elle est travaillée exclusivement au levain naturel, entretenu sur place, sans levure industrielle. « Le levain a plus de goût, et il est meilleur pour la digestion », résume Pierre Rigothier. La fermentation longue modifie la structure du gluten, développe les arômes et rend la pâte plus digeste.
Muriel Rigothier parle d’une pâte « vivante », sensible à la température et au rythme du service. Ici, chaque pâton est façonné à la main, à la commande, sans mécanisation. Un choix qui limite volontairement les cadences, mais qui définit l’identité artisanale de la pizzeria.
La farine Berjon à Blasimon, un choix structurant
Autre pilier du projet : la farine. Pierre Rigothier travaille notamment avec le moulin Berjon, à Blasimon, en Gironde. Ces farines bio issues de blés anciens sont moulues sur meule de pierre, loin des standards ultra-raffinés.
« On ne travaille pas avec des farines sans goût », explique Muriel Rigothier. Ces blés non modifiés génétiquement conservent une structure plus complexe, parfois avec un peu de son, ce qui influe directement sur la texture et la digestibilité de la pâte.
Pierre Rigothier assume la contrainte technique que cela implique : « C’est plus difficile à travailler, mais c’est cohérent avec ce qu’on veut faire. » Ce choix suppose plus de temps, plus d’attention et une organisation précise, mais garantit une traçabilité claire et un lien direct avec les producteurs.
La Barbabietola, pizza signature du France Pizza Tour
La pizza présentée lors du France Pizza Tour est la Barbabietola, l’une des créations signatures de Felicità. Construite autour d’une base de crème de betterave, associée notamment au gorgonzola, à la ’nduja, aux noisettes et aux épinards, elle illustre la volonté de Pierre Rigothier d’appliquer à la pizza une logique de cuisine.
« Je voulais amener ma touche, pas seulement refaire des classiques », explique-t-il. Les pizzas signatures évoluent ainsi au fil des saisons, en fonction des produits disponibles, tandis que les recettes traditionnelles restent à la carte.
Affichée à 16 €, la Barbabietola est celle qui a permis à Felicità d’atteindre la 4ᵉ place lors de l’étape bordelaise du concours, validant une approche fondée sur le goût et la précision plutôt que sur l’effet.
Des prix raisonnables face à des choix exigeants
À Felicità, les pizzas sont proposées dans une fourchette comprise entre 14 et 19 €. La Margherita est affichée à 14 €, la Cinque Formaggi et la Diavola à 15 €, tandis que des recettes plus élaborées, comme la Mortadella al Tartufo, atteignent 19 €.
Un positionnement volontairement mesuré au regard du travail engagé sur la pâte et des matières premières utilisées. « Je préfère vendre un peu moins cher avec plus de monde », explique Pierre Rigothier, évoquant un modèle pensé pour rester accessible dans un contexte économique local parfois contraint.
Muriel Rigothier complète : « On travaille des produits qui ont un coût, mais on ne voulait pas en faire quelque chose de réservé à une clientèle de niche. » Ici, le prix reflète le coût réel des ingrédients et du temps de travail, sans recherche de prestige ni d’effet marketing.
De Felicità à la Trattoria de Vayres, une même ligne
La pizzeria Felicità s’inscrit dans la continuité de la Trattoria de Vayres, anciennement Lune. À Vayres, l’évolution vers une trattoria répond à la même logique : proposer une cuisine italienne lisible, fondée sur la qualité des produits et une carte resserrée, tout en s’adaptant aux réalités économiques du territoire.

Pour Pierre Rigothier, le France Pizza Tour n’est pas une finalité. La 4ᵉ place obtenue par la Barbabietola vient surtout confirmer une trajectoire : celle d’un chef passé par la gastronomie étoilée, aujourd’hui engagé dans une approche artisanale de la pizza, fondée sur le temps long, le respect du produit et une volonté affirmée de rester accessible.

Ecrit par Jean-Sébastien Dufourg
Créateur du site Bordeaux Gazette et Président de l’association.
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