Talence
Si la conjoncture actuelle ne laisse pas une grande marge de manœuvre aux expositions pour s’ouvrir au public, l’art a prouvé à de nombreuses reprises sa capacité d’adaptation. C’est ainsi qu’au Forum des Arts et la Culture de Talence, il s’invite aux fenêtres et se dévoile dans la rue pour s’offrir aux passants.
Il pleut dans discontinuer sur Talence ce qui n’empêche pas les curieux de jeter un œil par-dessous leurs parapluies aux baies vitrées du Forum des Arts et de la Culture. Fermé depuis maintenant tellement de temps que l’on ne sait plus vraiment compter les semaines et lesmois, l’édifice est un lieu emblématique de la ville où se mêlent d’ordinaire expositions, résidences d’artistes et autres conférences ; en somme un lieu culturel incontournable installé en plein cœur talençais. Thomas Darriet, artiste plasticien et professeur d’arts plastiques, devait y dévoiler son exposition « ce qu’il nous restera » et investir les lieux jusqu’à mi-février. C’était sans compter les conditions sanitaires qui ont empêchées les amateurs d’art d’investir les lieux. Qu’à cela ne tienne, les œuvres viendront à eux. Mais si quelques-unes d’entre elles s’exposent sur la rue, les autres attendent patiemment es œillades des visiteurs.
Exposées en mars dernier juste avant le premier confinement à Gradignan, les deux séries (« ce qu’il nous restera » et « dans la maison ») s’articulent autour de Marie, Pierre et leurs deux enfants. Bien que fictifs et sortis tout droit de l’imagination de l’artiste, le couple nous ouvre les portes de leur habitation et affichent la relation qu’ils entretiennent avec les objets qui les entourent. « La série « dans la maison » se compose de grands formats avec des textes narratifs relatant des histoires autour des objets et des espaces. C’est une biographie fictive qui se projette sur des souvenirs. Le deuxième projet « ce qu’il nous restera » est la renonciation de se même couple à leurs projets de voyage, une liste de ce qu’il ne feront pas » explique Thomas Darriet.
Faisant écho à l’actualité, l’artiste s’est inspiré de ses propres possessions, de son intérieur et donne vie à un microcosme complexe tout en se nourrissant de lectures et de références qui l’animent comme celles de George Perec. Raconter l’intimité d’une famille sans même qu’on en voit les personnes qui la composent donne lieu à une véritable identification devant ses deux séries qui se répondent. « Je faisais déjà des natures mortes et des représentations de l’espace. J’ai choisi de parler de l’objet en lui-même mais aussi de ce qu’il veut évoquer. Chaque fois que l’on produit un objet, on encombre un peu plus le monde. La portée écologique est pour moi essentielle devant cette idée d’accumulation. Ils imaginent ce qu’ils auraient pu faire sur place mais n’y sont pas, ils ne créent donc pas de matériel et n’ont donc pas d’impact global puisqu’ils n’ont, de ce fait, pas pris l’avion par exemple. » L’artiste porte une volonté de transmission des choix individuels et de leurs conséquences. pourquoi voyage-t-on ? Les souvenirs, ces sensations immatérielles, sont-ils toujours aussi précieux devant les objets et la société de consommation qui nous pousse à l’accumulation ?
Si l’artiste reconnait que les adeptes des voyages prennent parfois cette série de manière grinçante, c’est pourtant la légèreté qui transpire des représentations : objets du quotidien, tantôt comiques tantôt nostalgiques, paysages d’un monde que l’on ne peut plus admirer que de loin ou d’un intérieur cosy qui nous invite à venir s’y réfugier ; le journal intime de la famille de Marie et Pierre de dessine à l’encre de chine en petit et grand format. « Je trace à la plume sur des vieux papiers d’emballage ou des enveloppes puis je les assemble à plat à la machine à coudre et les encadre avec des cadres chinés à Saint-Michel » détaille l’artiste. D’ailleurs, ne lui demandez pas si la création ne rajoute pas sa part à l’accumulation : les œuvres alors repliées ne prennent qu’un coffre de voiture pour se déplacer ! Si habituellement la découverte se fait en dehors d’un espace clos, ici le voyage artistique s’exporte de l’antre du Forum à la rue. Une autre façon de profiter des œuvres et ce jusqu’à la fin du mois.
Ecrit par Sabine Taverdet