Bordeaux

Bordeaux, paysage plutôt minérale, admet parmi ses espaces maints coins de verdure. Nous pourrions citer le Jardin Public mais aussi le Parc Bordelais. La nature s’invite en ville tout en se mêlant à la pierre de taille, et ceci dès le XVIIIème siècle. Cependant, quand est-il des plantes minérales qui ornent nos murs ? En particulier celles qui définissent les formes architecturales de nos bâtiments au début du XXème siècle, et qui évoquent les prémices d’un art nouveau.



Notre rapport à la nature a évolué au fil du temps. Dans la peinture classique occidentale, la nature se limitait à un cadre, à un fond, ailleurs elle était réduite à un répertoire ornemental. Puis, au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle l’art du Soleil Levant est découvert. Les japonais ont un rapport à la nature différent du nôtre, elle s’intègre dans un tout et ne se limite pas, elle, à un cadre. L’ornement, le détail est également traité à l’égal d’un élément central. Cette vision du monde intrigue les cercles intellectuels occidentaux, qui accumulent alors dans leurs cabinets les objets de curiosités. Il n’est pas étonnant que quelques décennies plus tard cette remise en perspective de la nature se retrouve en architecture, ce qu’on appelle aujourd’hui l’Art Nouveau. L’Art Nouveau touche plein de domaines différents, c’est un art dit « total », mais nous nous concentrerons dans cet article sur son impact parmi les architectes. Ce nom s’accorde avec l’affranchissement des codes qu’opère cet art. Une façade n’est plus déterminée selon une structure préétablie, mais selon la forme naturelle que pourrait avoir une plante. Les matériaux comme le fer et le verre permettent aussi de créer de nouvelles formes ainsi que de minimiser la barrière entre l’extérieur et l’intérieur.

La ferronnerie de la place Amédée Larrieu (place actuellement en cours de réfection)

A Bordeaux, peu d’édifices revêtent une façade Art Nouveau, surtout en comparaison de Nancy, ville foyer de ce langage. Néanmoins, ces quelques exemples valent le coup d’œil. Le premier est la ferronnerie en forme de palmier située au niveau de la place Amédée Larrieu. Ce lieu est inauguré le 15 mai 1902, conçu par les architectes Barbaud et Bauhain et le sculpteur Raoul Verlet. Ce palmier de fer, qui peut également rappeler les plumes d’un paon, s’étale en longueur, divisé finement par des colonnes aux chapiteaux de plantes grimpantes. Les lignes sont sinueuses, dites en « coup de fouet », terme évoquant la forme d’un fouet en mouvement. L’ensemble est très dynamique. La symétrie « classique » est toujours présente, et ceci est récurrent dans les œuvres bordelaises, qui restent marquées par un certain académisme. Ce conformisme, qui peut être perçu comme un manque d’audace par certains, permet cependant des mélanges de styles harmonieux. En ce siècle d’éclectisme, tous les mariages possibles et inimaginables sont essayés.

Le 22 rue du Bocage (face au Parc Bordelais)

Par exemple, l’Art Nouveau s’allie parfaitement avec le style rocaille ou Louis XV qui se caractérise par ses arabesques, ses courbes et ses imitations de la nature (rochers, coquillages etc). L’architecte Bertrand Alfred-Duprat l’a très bien compris, et conçoit dans les années 1890 sa demeure atelier du 22 rue du Bocage dans cette idée : symétrie des travées, fronton sculpté au décor rococo (arabesques, fronton imposant...), mais avec une abondance d’éléments végétaux qui sortent du cadre du fronton pour aller se fondre sur l’oculus (débordement de la chevelure de la statue féminine, son habit se mêle au feuillage...). Il va plus loin avec l’hôtel de Jean Teyssonneau à l’angle de la rue Saint-Siméon et de la rue Arnaud-Miqueu. Aucunes colonnes, consoles ou encore frontons ne sont présents, seules les lignes arrondies définissent les niveaux. Le balcon est ovale et légèrement en saillie, les ouvertures sont unies et ne font qu’un avec le mur. Ouvrez l’œil, levez la tête, et vous découvrirez nombres de ces façades originales et végétales : le 48, rue Capdeville, le 5 rue Marc-Sangnier, ou encore le 213, boulevard du Maréchal-Leclerc.

Hôtel de Jean Teyssonneau à l’angle de la rue Saint Siméon et de la rue Arnaud Miqueu

Sources :
Annick DESCAS, Dictionnaire des rues de Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2008.
Marc SABOYA, Bordeaux les formes du désir : un abécédaire pour voir la ville autrement, Ed. Le Festin, 2018.
Marc SABOYA, Bordeaux l’architecte et son double, Ed. Le Festin, 2013.
Bernard TOCHEPORT, Bordeaux place et fontaines Amédée Larrieu, un lieu méconnu qui gagne à être découvert,[article], site 33-bordeaux.com
Françoise DIERKENS-AUBRY, Murray-Robertson (Anne). « Grasset, pionnier de l’Art
Nouveau » [compte-rendu], Revue belge de Philologie et d’Histoire, 1984, p. 384-387.

Photo d’Ouverture : Escalier de l’hôtel Tassel. L’hôtel Tassel est une maison de maître construite de 1892 à 1893 par Victor Horta à Bruxelles en Belgique pour son ami Émile Tassel, professeur à l’Université libre de Bruxelles. Il est situé au nᵒ 6 de la rue Paul-Émile Janson


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