Bordeaux
Alors que la rue du Mirail fut aux XVIème et XVIIIème siècles, l’une des voies les plus aristocratiques de Bordeaux avec ses nombreux hôtels particuliers. Au XIIIème siècle ce n’était qu’une simple rue conduisant au couvent des Augustins. Son nom : mirailh en gascon, (miroir en français) est fondé sur une légende datant de Saint Louis, légende mettant en scène un serpent venu de Touraine, serpent qui était en fait un "basilic" issu du sang de la "Gorgone".
La légende du puits
Au milieu du carrefour formé par les rues du Mirail, Gratiolet et des Augustins était situé, jadis, un puits auquel venaient s’approvisionner en eau claire les habitants du quartier. Hommes et femmes en profitaient pour se rencontrer, échanger des nouvelles et discuter. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où un serpent d’eau venu de Touraine vint se retirer au fond de ce puits.
Le premier malheureux qui lança son seau dans le puits où venait de s’installer le basilic* entendit un « bruit étrange » dans le fond. C’était le monstre qui sifflait une barcarolle, comme les serpents marins en avaient l’habitude. L’homme se pencha par-dessus la margelle, vit le reptile et ses terribles yeux. Il fut foudroyé et tomba aussitôt mort au fond du puits.
Plusieurs femmes curieuses venues le lendemain chercher de l’eau et ayant voulu en examiner le fond, tombèrent mortes autour de la margelle, car la bête tuait en les foudroyant, tous les humains qui avaient la malchance de croiser son regard. La panique s’empara du quartier, les habitants se rassemblèrent pour chercher une solution, mais en vain, car personne n’était assez audacieux pour affronter la bête.
Le fameux mirail
Fort heureusement, un soldat courageux fendit la foule apeurée et annonça qu’au moyen d’un secret qu’il avait appris en Egypte, il allait rapidement débarrasser Bordeaux de cet animal maléfique. A l’aide d’une corde il fit descendre un « miroir » au fond du puits et, dès que la bête eut vu son image, elle s’élança hors du trou dans un horrible sifflement, et dans un grand jet de flamme mourut sur le bord de la margelle au milieu d’horribles convulsions.
C’est ainsi que le puits fut débarrassé de son basilic, le roi des serpents venu de Touraine où on l’appelait aussi le Coquatrix ou le Coquatrus, mourut à Bordeaux. La vie put reprendre son cours normal et la rue du puits, en souvenir de cet événement légendaire, fut désormais connue sous le nom de rue du Mirail qui signifie bien « miroir » en gascon.
*Connus depuis l’Antiquité gréco-romaine, les basilics se répandirent au Moyen-Âge. Pondu par un coq ( !!! ) couvé par un crapaud ou un serpent ce terrible animal un fois sorti de sa coquille peut prendre divers aspects selon les légendes et les lieux, souvent celui d’un coq à queue de dragon ou d’un serpent aux ailes de coq que l’on retrouve sur des chapiteaux de colonnes dans les églises. Symboliquement représentant du mal, du diable, donc de la tentation, le basilic a le pouvoir de tuer par son regard ou par son haleine.
Alors que la légende nous dit que le premier basilic serait né du sang de la Gorgone, il est intéressant de noter qu’en compagnie de figures de faunes, de ménades, de satyres, les gorgones sont représentées dans les mascarons qui ornent les façades nobles et austères des hôtels particuliers de la rue du Mirail.
Voilà bien un récit bordelais mythique et légendaire qui devrait nous permettre désormais de longer la rue du Mirail avec un tout autre regard …
Source : Contes et Légendes du Vieux Bordeaux Michel Colle.

Ecrit par Dominique Mirassou
Recherche
Sur le même sujet
Bordeaux Gazette Annuaire
