Pessac

À Pessac, la salle Sortie 13 a résonné d’une chaleur singulière samedi soir. Sur scène, Ona Mae a présenté son nouvel album Cerca del Sur, dans une atmosphère à la fois intimiste et profondément humaine. Entre les cordes du kamélé n’goni et les vibrations de sa voix plurilingue, l’artiste a offert un concert empreint de spiritualité, de mémoire et d’universalité.



Un prélude poétique avec LA’AU Project

La soirée s’est ouverte avec LA’AU Project, duo formé par Paul Faugère (guitare et voix) et Gaïa Jeronimo (violoncelle et chant). Leur univers ethno-folk-fusion a immédiatement plongé le public dans une écoute attentive : des sonorités organiques, des harmonies proches de la nature, une sensibilité presque chamanique.
La voix de Paul, rappelant parfois Jeff Buckley, oscillait entre douceur et tension, tandis que le violoncelle de Gaïa Jeronimo enveloppait le tout d’une mélancolie lumineuse. Une introduction idéale à l’univers d’Ona Mae, où le voyage est moins une destination qu’un état d’âme.

LA’AU Project
Paul Faugère (guitare et voix) et Gaïa Jeronimo (violoncelle et chant)
© Photo Oihana Marco

Le rêve, la mère et l’Afrique

Lorsque Ona Mae entre en scène, c’est avec une sérénité magnétique. Quelques mots, puis un conte : celui d’un rêve, d’une femme enceinte d’où s’échappe la musique. De cette vision, raconte-t-elle, est née sa rencontre avec le kamélé n’goni, instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest, « l’art des jeunes chasseurs ».
« Ça fait dix, douze ans qu’on est ensemble », confie-t-elle avec tendresse. Ce lien charnel avec l’instrument devient le fil conducteur de sa musique : un dialogue entre les cultures africaines, catalanes et méditerranéennes, tissé de gratitude et d’humanisme. « Je dis merci à toutes ces cultures qui m’ont nourrie et partagé leurs savoirs. C’est mon univers métissé, c’est grâce à eux. »

Ona Mae a présenté son nouvel album Cerca del Sur
Ona Mae et son kamélé n’goni
© Photo Oihana Marco

Une musique plurilingue, plurielle, profondément humaine

Ona Mae chante en espagnol, en catalan, parfois en français. Sa voix, grave et souple, glisse d’une langue à l’autre sans rupture : un instrument à part entière. Derrière les mélodies, il y a la mère, la femme, la transmission. L’une des chansons est dédiée à sa grand-mère, « qui n’est plus là », et qu’elle évoque à travers un chant de travail, celui des boulangères du nord de l’Espagne.

Artiste et anthropologue, Ona Mae fait de sa musique un véritable voyage sensoriel et intime. Nourrie de ses séjours en Afrique, elle transforme les sons enregistrés sur le terrain en fragments de mélodie, en carnets sonores qui deviennent autant de récits. Tantôt elle nous entraîne, main dans la main, vers l’Afrique, tantôt elle nous guide vers l’Espagne à travers el canto de las panaderas, en révélant leur origine, leur histoire et le sens profond de leurs voix.
Parfois, elle partage aussi les sons du quotidien d’une mère débordée, entre tendresse et fatigue, d’où émerge pourtant une force créatrice singulière.

Son regard d’anthropologue traverse toute son œuvre : chaque composition se lit comme une ethnographie poétique, une archive vivante où se mêlent mémoire, identité et écoute du monde. À travers son projet musical, Ona Mae explore la porosité entre art et recherche, entre intime et collectif, faisant de chaque son un témoignage, une présence.

Ces chants de travail féminins, nés dans les fournils et les cuisines où l’on pétrissait le pain à la main, accompagnaient le geste répétitif et la chaleur du four. Ils rythmaient l’effort, soutenaient la fatigue et transformaient la peine en harmonie partagée. À travers ces mélodies simples, parfois humoristiques ou poétiques, les femmes racontaient leur quotidien, leurs amours, leurs espoirs — un peu comme Ona Mae, qui, à travers ses rythmes et sa musique, transforme les gestes du réel en matière sonore et poétique.

Ona Mae a présenté son nouvel album Cerca del Sur à Sortie 13

Un public suspendu, un moment de communion

Dans la pénombre de Sortie 13, le public écoute, retient son souffle, participe parfois. Les percussions, les cordes, la voix se répondent dans une boucle organique. Loin des artifices, Ona Mae tisse une musique sincère, presque artisanale, où chaque vibration semble née d’un geste de vie.
Entre deux morceaux, elle ne parle pas pour combler le silence, mais pour le prolonger autrement. Sa parole est une respiration, une extension du chant.

Ona Mae a présenté son nouvel album Cerca del Sur à Sortie 13
Ona Mae et La’au Project
© Photo Oihana Marco

Un “Sud” intérieur

Cerca del Sur, littéralement « près du Sud », n’est pas seulement une géographie sonore : c’est une quête. Le Sud, chez Ona Mae, n’est pas un point cardinal mais une direction intime, celle de la lumière, du partage et du soin. On y retrouve une humanité vibrante, héritée de ses voyages et de ses racines, portée par une démarche d’anthropologue autant que de musicienne.

Un concert qui laisse trace

Quand s’éteignent les dernières notes, Sortie 13 garde le silence quelques secondes encore, avant que les applaudissements ne montent. Beaucoup sortent, apaisés, comme après une conversation avec une amie qui aurait chanté au lieu de parler.
Ce soir-là, Ona Mae n’a pas simplement présenté un album : elle a transmis un monde.

Ecrit par Oihana Marco

Photographe, psychologue et anthropologue.
https://www.oihanamarco.com

Ecrit par Jean-Sébastien Dufourg

Créateur du site Bordeaux Gazette et Président de l’association.


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