Bordeaux
Passionné de photographie, Michel Naud s’est signalé par des expositions dont Bordeaux Gazette s’est déjà fait l’écho. Ayant décidé de figer ce qui est par excellence éphémère : le reflet, il sort un livre original à plus d’un titre, avec des clichés souvent étonnants et qui prennent pour certains une dimension poétique.
Véritables tableaux impressionnistes, les images prises à Honfleur montrent bien comment le reflet peut transformer la réalité en une œuvre d’art. Mais une œuvre qui change en permanence de visage et demande de la patience pour se révéler complètement. Quatre séjours à des saisons différentes s’échelonnant sur 19 ans ont été nécessaires pour saisir les huit clichés du port normand qu’offre l’ouvrage. Ces photos montrent à quel point le reflet modifie profondément la vision du réel. D’abord bien sûr en éliminant les traits rectilignes. Mais pas uniquement. Il suffit d’un nuage ou d’une risée pour créer une nouvelle réalité. La transformation du décor est encore accentuée par le mélange des éléments du réel. En quittant Honfleur pour Guérande, le lecteur découvre un monde où les paludiers sont recouverts de bandes blanches ou dorées par le soleil couchant.
- Michel Naud et Christian Jean-Dit-Cazeaux
On pourrait les prendre pour des nuages. Pourtant et qui sont en réalitée dues à la fleur de sel. Comme le note justement Christian Jean-Dit-Cazeaux dans sa préface, l’appareil photo devient « à la fois crayon et pinceau, mais inspiré ». Pour Michel Naud l’inspiration est venue à Saint-Seurin quand, en 1975, il a photographié la basilique et son reflet dans une flaque d’eau. Alors qu’il a fait ses réglages sur l’église, au tirage c’est le reflet qui paraît en premier. « Tirage raté. Mais le reflet est sympathique. Je décide donc de le retirer en retournant la pellicule » explique Michel. L’idée est née mais il faut encore neuf ans pour qu’elle arrive à maturité, car, précise-t-il, « pour engager un travail systématique, il faut une méthode, un principe générique définissant le fil conducteur de tous les clichés. »
- Photo de l’ouvrage
Neuf ans pendant lesquels il bénéficie du contact de Roger Lafosse et Jean-Louis Froment qui lui inculquent « la nécessité d’avoir des choix esthétiques propres, qui se différencient des pratiques communément admises ». Car ce livre est aussi une histoire d’amitiés et d’abord avec son éditeur, Stéphane Barry qui, jeune historien, avait débuté sa carrière à la Mémoire de Bordeaux en travaillant avec Michel Naud sur la spoliation des biens juifs. Par la suite les deux hommes sont toujours restés en contact. Stéphane ayant créé « Memoring » dans le cadre de l’agence de communication « Citron Pressé » de son épouse Maryse. L’idée du livre a vu le jour au cours d’une discussion. Premier ouvrage de photographie de la jeune maison d’édition, « Regards inversés Regards redressés » est une vraie réussite. Sans doute parce qu’en figeant le reflet Michel Naud a su trouver un style.
Regards inversés, regards redressés
par Michel Naud
Memoring éditions Bordeaux 2018
146 pages,
128 photos, 25€
En vente à la librairie Mollat ou chez l’éditeur :
Ecrit par Antoine Lebegue