Ce qui fait la force du film de Ludovic Lescieux c’est que rarement la fiction a dépeint avec autant de justesse la réalité d’un phénomène que l‘on connait mais dont on ne soupçonne ni l’ampleur ni les ravages. L’univers des réseaux sociaux, ses méandres, ses pièges, autant d’inconnus pour nombre de parents. Pour les adolescents en revanche c’est un mode de vie, un lien avec les pairs, parfois un cocon pour s’abriter du monde. On peut y être soi-même, se raconter, s’y refléter sans s’exposer vraiment ; enfin c’est ce que l’on croit.
Le réalisateur, qui a par ailleurs une activité professionnelle principale, a mis plusieurs années à peaufiner son scénario, à construire une histoire basée sur des faits réels sans l’édulcorer ou la travestir. Fortement documenté, dans un style sobre mais avec de vraies astuces de tournage pour dépeindre les différents aspects, les différentes visions, d’une même réalité, il nous livre un film puissant qui ne peut laisser indifférent.
Les thématiques du harcèlement scolaire, du cyberharcèlement et du suicide sont ici abordées avec pudeur mais en profondeur, en décrivant la spirale infernale qui happe et anéantit une adolescente et sa famille.
Le récit fait par le père sous forme d’une interview, avec allers retours en images sur le vécu de sa fille jusqu’au drame final, est très habile. Il crée une tension qui embarque le spectateur, il évite l’aspect purement documentaire avec focus sur la victime, et il donne à réfléchir sur la place et le rôle de chacun des protagonistes dans cette affaire, adolescents et adultes.
Victime ? bourreau ? complice ? le film questionne, donne à penser. Avec sobriété et modestie il suggère que seule la communication, l’écoute, le dialogue peuvent éviter l’éloignement entre parents et enfants. Etre présents sans être pesants, s’informer et informer, être en confiance mais ne pas exclure le contrôle pour protéger.

Petit budget mais fort potentiel pour ce film tourné à Bordeaux avec des jeunes du lycée Victor Louis de Talence et des étudiants en audiovisuel de l’Université de Bordeaux, tous bénévoles. On pressent que certains feront carrière que ce soit devant ou derrière la caméra tels Ombeline Devilder (Clara), Séraphin Chauvet (Franck) ou Thierry Nguyen – coloriste.
A l’issue du film, Ludovic Lescieux a fait le choix judicieux de nous offrir un documentaire qui donne la parole à des experts en cyberharcèlement :
 Marlène Dulaurans, Maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne. Directrice du programme de recherche CyberNeTic
 Mathilde Janota, Psychologue et Doctorante en psychologie clinique et psychopathologie, projet Cyberlife
 Jean-Christophe Fedherbe, Enquêteur Ntech - co-directeur du programme de recherche universitaire CyberNeTic
Ces regards croisés prolongent la réflexion et donne de précieux conseils pour agir au plus vite lors d’une situation de harcèlement. Que l’on soit adolescent ou parent, victime ou témoin, nous sommes tous concernés !

Numéro d’urgence :
Harcèlement scolaire : 3020
Cyber-harcèlement : 3018
Souffrance et prévention du suicide : 3114