Talence
Les élèves en Master 2 en droit des personnes et des familles de la faculté de Pessac, ont organisé, jeudi 12 mars, une table ronde sur les conditions de vie au sein du milieu carcéral. Le but était de lever le voile sur les relations familiales à l’intérieur et à l’extérieur des prisons.
Le 30 janvier 2020, la cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour la gestion de ses prisons. Matelas au sol, insalubrité, surpopulation… Au 1er janvier 2020, 70 651 personnes étaient détenues sur notre territoire pour 61 080 places disponibles, selon l’administration pénitentiaire française. Dans ces cas là, vie familiale et carcérale sont elles possibles ? C’est la question que se sont posés des étudiants en Master 2 en droit des personnes et des familles. Ils ont alors décidé d’organiser une conférence pour éclairer la population. Visiteurs de prison, ancien détenu, professeure, doctorat et psychologue étaient présents pour répondre à leurs interrogations. Comment maintient-on une vie maritale au sein d’une prison ? Difficilement bien entendu, et lors des parloirs réalisés par le centre pénitentiaire. À Agen, il y a trois parloirs par semaine, du lundi au vendredi, ce qui rend difficile les visites pour les travailleurs. Mais cela diffère selon les villes. Il y a une chose qui ne change pas : les courriers. Toutes les lettres envoyées à un détenu sont lues avant de lui remettre, hormis celles de l’avocat. Le temps d’attente est très long. La réception peut prendre entre deux jours et deux mois explique Sabine Chené, psychologue et criminologue. Les prisonniers sont frustrés, en colère. Si l’administration ouvre les courriers c’est pour ne pas heurter le destinataire en cas de propos virulents. Le fait que les détenus peuvent être envoyés dans une autre prison rend aussi compliqué les visites pour les familles. Il faut désormais faire plus de route. Depuis peu, la France a autorisé la mise en place de téléphone dans les cellules. Les échanges peuvent être plus intimes qu’avant, sauf si huit personnes cohabitent. Anciennement, les appels se faisaient durant les promenades qui avaient lieu jusqu’à 17h30 à Gradignan. "Après on retourne dans nos cellules jusqu’au lendemain" explique Christophe De La Condamine, ancien détenu. Mme Chené s’est montrée très enthousiaste quant à cette nouvelle installation. "Un père de famille a pu avoir ses enfants au téléphone quand ils ont ouvert leurs cadeaux à Noël. Un autre leur dit "bonne nuit" tous les soirs", confie la psychologue. Parfois, pour que les détenus conserve un lien social, des maisons isolées sont construites sur le site. C’est le cas à Rennes*, où les familles peuvent passer jusqu’à 72h avec le prisonnier dans l’intimité.
- Des travées de l’Université bien remplies
Un deuxième sujet a été abordé lors de cette table ronde. Les étudiants se sont intéressés aux mères détenues avec leurs enfants et aux mineurs placés derrière les barreaux. 2 532 femmes sont écrouées en France. Sur notre territoire, il y a deux prisons exclusivement féminines, le centre pénitentiaire de Rennes et la maison d’arrêt de Versailles. Les autres centres sont divisés en plusieurs quartiers pour séparer les femmes et les hommes. Chaque année, 60 accouchements ont lieu dans des prisons selon l’Observatoire International des Prisons (l’OIP). Seulement 29 établissements sur 191 sont dotés d’une nurserie. La mère accouchant au cours de sa détention peut garder son enfant durant 18 mois. Ensuite, pendant un an, des visites aménagées sont organisées. Au-delà, l’enfant doit respecter les horaires de visites classiques de la prison. Généralement, comme les femmes sont moins nombreuses en prison, moins d’activités leur sont proposées. En effet, un intervenant se déplace rarement pour deux personnes. C’est le cas à Agen ont 12 femmes sont incarcérées. Dans certains cas, des formations communes sont organisées. À Gradignan le détenu affirme, lui, qu’il y a autant d’activités proposées aux femmes et aux hommes, comme le théâtre. En ce qui concerne l’accès aux soins, théoriquement, il doit être le même qu’à l’extérieur. Malheureusement ce n’est pas le cas. Il est difficile de voir autre chose qu’un dentiste. Normalement, chaque mois des kits d’hygiène sont distribués. La réalité n’est pas toujours celle-ci. Souvent, le kit d’arrivée n’est pas renouvelé. Il est composé de brosse à dent, de dentifrice, de papier toilette et de savonnette. Pour les femmes, pas de tampons mais des serviettes font aussi parties du kit. Celles-ci sont de mauvaises qualité, alors les femmes mettent en place toutes sortes de stratagèmes. Elles utilisent par exemple des serpillières. Au bout de quelques mois, le cycle s’interrompt.
- Professeure, ancien détenu, visiteur et psychologue ont répondu présents à l’appel des étudiants
En ce qui concerne les mineurs, 47 établissements disposent de quartier pour les accueillir. Il existe 6 EPM, se sont des prisons uniquement dédiées aux mineurs. Dans tous les cas, l’école doit leur être proposée toute la journée. Les journées de cours sont assez brèves selon Sophie Saint Supery, ancienne professeure en établissement pénitentiaire : de 9h à 12h et de 14h à 16h30. Lorsqu’un mineur arrive en prison, il fait une mise au point sur son parcours scolaire. Il est souvent chaotique. L’adolescent n’a pas la notion du temps et beaucoup d’interruptions scolaires ont eu lieu s’il a changé de foyer.
Bien souvent, les jeunes ne restent pas en prison, le temps moyen est de 15 jours pour les mineurs âgés de 13 ans. Pour les autres, cela va de 3 mois à 1 an pour les délits criminels. Dans les EPM, les enseignants peuvent les pousser à passer un diplôme qui va parfois jusqu’au CAP. En prison, les adolescents sont libres de choisir s’ils veulent aller en cours. Bien souvent, les professeurs les poussent à y aller car en l’espace de 4 mois de détention, le lexique a déjà diminué de 40%, le vocabulaire devient celui des insultes et ce ne sont pas plus de 650 mots qui sont utilisés, ce qui équivaut au langage d’un enfant de 18 mois. Aujourd’hui, 25% des jeunes détenus ont moins de sept heures de cours hebdomadaires.
*prison de femmes
Ecrit par Margau Gonzalez