Dans son discours introductif, Alain Juppé souligne l’intérêt de réunir ainsi les différentes religions et tient à rappeler que le principe de laïcité n’est pas universel, qu’il a beaucoup évolué dans le temps, et que les rapports entre défenseurs de la laïcité et religieux ont très souvent été conflictuels. Ainsi l’intérêt de la rencontre de ce soir n’en est que plus évident. La projection d’une courte interview de Jean Petaux professeur à Sciences-Po Bordeaux va compléter cette introduction.

La laïcité c’est quoi ?
A la question, la laïcité c’est quoi dans votre religion, les réponses vont toutes aller dans le même sens : Et de nous parler du pape Pie XII qui parlera le premier d’une saine conception de la laïcité, de nous dire que l’église ne doit pas intervenir dans le fonctionnement de l’état et réciproquement, que l’état ne doit être inféodé à aucune des religions. Mais encore que le musulman doit respecter le contrat de la citoyenneté française, que dans le royaume d’Israël d’il y’a 2000 ans, il y avait séparation entre le religieux et le politique. Que le Talmud enseigne que la loi du pays est la « Loi », qu’ elle est au-dessus de la Torah, et qu’un bon juif est avant tout un bon citoyen. Le bouddhiste doit quant à lui respecter le monde et s’inclure dans ce monde. L’esprit bouddhiste épris d’harmonie et n’ayant pas le monopole de la vérité n’a aucun problème avec la laïcité, bien au contraire. Pour les protestants la laïcité est un état d’esprit, elle est indiscutable telle la séparation de l’église et de l’état. L’archiprêtre orthodoxe nous rappelle que le sens du mot laïcité a évolué, avant un laïc était quelqu’un qui n’était pas prêtre, il nous confie par ailleurs de par ses activités d’élu municipal, être lui aussi dans ce cadre là un laïc. Selon lui la laïcité est une limite pour que les religions n’envahissent pas la société, la laïcité dit aux religions « vous n’irez pas plus loin ».

Oui, mais …
La loi religieuse ne devant pas interférer dans les lois politiques, Alain Juppé va tout de même souligner que tout ne va pas si bien dans le meilleur des mondes et que les points d’achoppement sont multiples dans la mesure où les deux façons de voir ne sont pas toujours conciliables. Et de citer quelques exemples touchant à la condition de la femme, aux manifestations extérieures de la religion par le port de signes dans la sphère publique, sphère publique par ailleurs parfois bien difficile à définir.
Les réactions par rapport à la condition de la femme sont immédiates, vives et multiples pour souligner tout d’abord que le monde politique et la société en général ont encore beaucoup à faire dans ce domaine. L’Imam précise que l’égalité homme femme est dans le Coran mais se heurte à de fortes pratiques culturelles dont les hommes ont du mal à sortir. La représentante Bouddhiste nous dit qu’une femme aussi bien qu’un homme peut être maître spirituel, et qu’en matière d’inégalité dans les quotas homme-femme, la meilleure réaction pour une femme est « de ne pas comprendre le problème ». Le pasteur présent est une femme …

Les remèdes
Le cardinal constate que le gouvernement dialogue en permanence avec les religieux et les religions, et que face à tous ces risques de conflits il n’y a qu’un remède, tout d’abord le débat, puis le vote démocratique. Alain Juppé le rejoindra tout à fait sur ce point, car si en France la liberté de conscience et de culte est fondamentale, il considère tout à fait inacceptable qu’une religion veuille imposer sa loi comme les catholiques furent tentés de le faire par le passé. Certaines dérives de l’Islam posent d’ailleurs actuellement quelques problèmes.
Au cours de la courte période des questions, le Cardinal nous dit s’inquiéter d’une laïcité militante qui n’est pas selon lui sans poser quelques problèmes, dans la mesure où elle apparaît souvent comme un rejet de la religion. « Je préfère à cette laïcité militante une laïcisation de la laïcité » conclura-t-il. Excellente soirée d’échange qui peut nous amener à penser que loin des emportements liés à une passion excessive, notre république à tous les outils pour harmoniser cette diversité. Le débat, le vote démocratique et la vigilance quant au respect de la loi devraient pouvoir le permettre.
Les participants
Soirée animée avec beaucoup de dynamisme par Ludovic Martinez, avec autour d’Alain Juppé : Le pasteur Valérie Mali pour les protestants, Françoise Cartau pour les bouddhistes, le recteur Tareq Oubrou pour les musulmans, le cardinal Jean-Pierre Ricard pour les catholiques, l’archiprêtre Innocent Viaud pour les orthodoxes, le rabbin Emmanuel Valency pour les juifs.