Bordeaux

Elaha, en salle cette semaine à l’Utopia

Le cinéma Utopia à Bordeaux propose cette semaine la diffusion du premier long métrage de la réalisatrice allemande Milena Aboyan, intitulé "Elaha". Sorti en salle le 7 février, ce film dépeint le portrait d’une jeune femme germano-kurde aux prises avec les pressions d’une société traditionnelle et patriarcale.



Pour son premier long-métrage, la réalisatrice allemande d’origine kurde yézidie et arménienne, Milena Aboyan, s’est inspirée d’un phénomène assez répandu dans plusieurs communautés : l’hyménoplastie. En vue de son mariage proche, la protagoniste du film s’engage dans une course contre la montre pour restaurer son hymen. Interprétée avec une justesse remarquable par Bayan Layla, le personnage d’Elaha incarne à lui seul les tensions et les contradictions d’une génération prise entre deux mondes. D’un côté, il y a l’Allemagne moderne, avec ses libertés individuelles et ses normes occidentales. De l’autre, il y a les valeurs traditionnelles de la communauté kurde, où l’honneur familial et les conventions sociales pèsent lourdement sur les épaules des jeunes femmes comme Elaha. Si le film déborde de sincérité et de justesse, c’est sans doute car il a été pensé et interprété par des femmes, elles-mêmes témoins et victimes du patriarcat. «  Qu’il s’agisse de virginité, de comportement sexuel, de masculinité toxique, ou de famille, toutes les cultures du monde ont le même problème : le patriarcat », indique Emina Smajic, productrice du film.

Cette affaire de virginité reste encore d’actualité, entourée de tabous et marquée par des informations erronées, laissant croire que toutes les femmes possèdent un hymen. Quand bien même elles en possèdent un, celui-ci ne se déchire pas nécessairement lors du premier rapport. Non seulement l’hymen n’est pas gage de virginité, mais certaines femmes cherchent à le reconstituer en vue de leur mariage, comme c’est le cas de Elaha. Mais pourquoi cherche-t-elle absolument à retrouver sa « virginité » ? Ce choix, loin d’être anodin, soulève toute une série de questions sur l’identité, la liberté et le pouvoir. La protagoniste se questionne sur ce qui la pousse à faire ce choix, et se met alors en quête de liberté et d’indépendance. Pour Elaha, il s’agit non seulement d’une quête de réaffirmation de soi, mais aussi d’une tentative désespérée de naviguer entre les attentes de sa famille et ses propres désirs d’émancipation. Mais la réalisatrice tient à préciser dans sa note d’intention que ce n’est pas seulement une question de tradition : « Nos corps sont observés, évalués, observés et contrôlés depuis des siècles. C’est pourquoi je dois souligner que le problème d’Elaha ne peut être réduit à son origine ou à ses traditions, et doit être considéré de manière universelle », explicite-t-elle.

Mais qui tire profit de ce système patriarcal et archaïque ? Cette question est également soulevée dans le long-métrage, car d’une manière ou d’une autre, les hommes en sont aussi victimes. Les attentes rigides imposées par la société traditionnelle pèsent également sur les épaules des hommes. À travers le parcours d’Elaha, l’œuvre de Milena Aboyan nous amène à réfléchir sur la place des femmes et des hommes de la nouvelle génération, éduqués entre deux mondes. L’interprétation émouvante de Bayan Leyla et la subtilité du discours de la réalisatrice ont valu au film deux nominations et trois prix, dont celui du public pour le LICHTER Film Festival Frankfurt.

Ecrit par Laurie Marin


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