Bordeaux
C’était le titre d’un livre de souvenirs de Jacques Thibaud, très romancés, avec l’aide de Jean-Pierre Dorian ( Ed. Del Duca).
On peut comprendre ce titre de deux façons :
Un « violon » (l’artiste lui-même) se raconte
Un violon (l’instrument) devient voix humaine
Matthieu Arama, concert master de l’ONBA (en binôme avec Wladimir Nemtanu) n’a pas encore l’âge d’écrire ses mémoires, mais, avec lui, un violon parle dans les deux sens de l’expression. Et d’abord, bravo à M. Arama qui a l’audace de commencer son récital, un dimanche après-midi, à l’heure de la sieste (!) par deux œuvres du grand répertoire, violonistique avec Ysaÿe (3ème sonate pour violon seul), chambriste avec César Franck (sonate pour violon et piano). Deux musiciens belges, soit dit par parenthèse. Eugène Ysaÿe (1858-1931), violoniste et compositeur, fondateur de ce que l’on a appelé l’Ecole franco-belge de violon (avec Henri Vieuxtemps et plus tard, avec Arthur Grumiaux) ; la partie française était représentée notamment par Jacques Thibaud, Jules Boucherit et, plus lointainement, Ginette Neveu*.
Pour mémoire, la grande Ecole concurrente de violon est l’Ecole russe (devenue russo-américaine) qui produisit et produit encore d’innombrables virtuoses (Heifetz, Menuhin, Milstein, Vengerov, Repin, pour ne citer que ceux là !). Dans la 3ème sonate d’Ysaÿe, M. Arama fait montre d’une technique irréprochable, se jouant des difficultés accumulées par l’auteur dans une sorte de « remake » des partitas de J.S. Bach, toutes proportions gardées ! Sonorité ample et ronde, maîtrise d’archet, mise en valeur du beau Guarnerius confié au talent de l’artiste Arama. La sonate de Franck permit de confirmer que le duo chambriste formé par M. Arama et son partenaire pianiste, Aurélien Pontier fonctionne à merveille : interprétation vibrante, précise et généreuse d’une œuvre majeure de la musique de chambre du XIXème siècle (dédiée à Ysaÿe).
La suite du programme était composée, fort intelligemment d’ailleurs pour un récital, de morceaux alliant nostalgie (Tchaïkovski : Non seul celui qui connaît…), virtuosité romantique ( Brahms : deux danses hongroises), fantaisie brillante ( John Williams : Un violon sur le toit), tous capables de susciter l’enthousiasme légitime d’un public tout acquis à juste titre au duo Arama-Pontier. Bref, concert charmeur et charmant, virtuose sans aucun doute, talentueux pour tout dire.
Nous entendrons à nouveau Matthieu Arama, le dimanche 18 mai à 15 H, avec le plus grand plaisir, dans un programme différent, très alléchant, dont nous vous rendrons compte.
*Elle est décédée dans l’accident d’avion du vol Paris-New-York Air France qui s’est écrasé aux Açores en octobre 1949, dans lequel a disparu aussi, entre autres, le champion de boxe Marcel Cerdan. Elle repose au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Ont aussi trouvé la mort dans cet accident son frère le pianiste Jean Neveu, l’illustrateur Bernard Boutet de Monvel et Kay Kamen, un cadre de la Walt Disney Company.

Ecrit par Sarastro
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