Créon

La Chica à CREON : un voyage plus qu’un récital

Ce vendredi 24 novembre, l’espace culturel de CREON acceuillait La Chica (prononcer la tchica !) pour un récital piano-voix ; il peut même être permis, au regard de la performance, de se demander si ce n’est pas plutôt l’artiste qui recevait le public …



L’annonce de présentation du spectacle diffusée par l’organisateur (l’association Larural) évoquait une notion plutôt interpellante de « piano chamanique », de quoi déjà éveiller la curiosité considérant que, de prime abord, la production de La Chica se placerait dans un registre somme toute classique de chanteuse au piano avec quelques dérives électroniques dans les arrangements. La performance délivrée (offerte) par La Chica explique aisément cette ouverture que d’aucuns auraient pu juger quelque peu prétentieuse.

La Chica est une chanteuse (le terme restant limitatif pour ce qui la concerne) franco vénézuélienne, qui, bien que parfaitement francophone, s’exprime dans son œuvre majoritairement en espagnol et parfois en anglais ; elle s’est attachée à largement communiquer avec le public autant pour se présenter que pour présenter ses chansons ce qui a conduit à la mise en place d’une relation réelle avec l’audience.

Dès son entrée en scène la surprise nous attrape. La scène est très épurée : un piano droit et peu de fioritures apparentes de décor ; La Chica procède à une fumigation rapide de son espace scénique avant de se présenter de façon plutôt humble et généreuse, cela respire la sincérité et l’ouverture en direction des spectateurs auprès desquels elle se montrera très disponible après son concert.

Les chansons qu’elle nous présente évoquent la vie, la valorisation de la femme, le souvenir des disparus, vies et réincarnation dans une cohérence parfaite avec l’univers sonore et visuel qu’elle nous propose.

Son jeu au piano est précis et expressif, son instrument met en relief ou en perspective ses chansons plus qu’il ne les accompagne. La Chica alterne et combine des mélodies avec des notes suspendues auxquelles sa voix ne semble rattachée que par un fil ; elle peut jouer aussi de façon très percussive de sa main gauche produisant une rythmique quasiment envoutante. Elle frappe même directement à un moment les cordes dans le corps même de son instrument produisant ainsi un ensemble varié d’ambiances sonores juste agrémentées (très) ponctuellement d’effets ou de superposition de sons. C’est de plus une magnifique vocaliste qui joue également de sa voix dans divers modes d’expression qu’elle peut enchainer de façon rapide déroutant notre écoute (du chant posé au débit rapide et saccadé, de la maitrise de toutes les hauteurs de note, de vagissements ou rugissements …). Pour l’une de ses chansons, elle s’accompagne exclusivement d’un tambour (vous avez dit chamanique ?) dissimulé dans le corps de son piano. Son échange avec le public sur le titre « agua » (l’eau qui guérit des blessures) a frôlé le cérémonial ou le rituel et le concert s’est clos par un titre a cappella du chanteur Simon Diaz.

La scénographie enveloppe cette offrande sonore de façon admirable dans une ambiance bleutée ou orangée dans laquelle seul un filet de lumière suit ou surexpose l’artiste accentuant encore le sentiment d’intimité du moment où sa poésie quand le décor qui s’offre au spectateur relève du théâtre d’ombres, quelques chandelles pouvant accentuer cette impression.

La Chica a donc proposé une performance qui dépasse le cadre strictement musical pour une expérience quasi immersive pour qui voulait bien se laisser habiter par son univers dont la production « en vrai » s’est révélée supérieure à son rendu discographique ; de quoi enfoncer, s’il en était besoin, la glorification du spectacle vivant.

Ecrit par Philippe P.


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