Bordeaux

La fonction d’une façade est simple : construire une image auprès du passant. Elle est le premier élément visible d’un bâtiment, à cet effet, notre imagination est fondé sur elle. Nombreux sont les édifices à Bordeaux recueillant sur leur façade, des signes ostentatoires de richesses, ou d’appartenance à un milieu. C’est ainsi que l’architecte Jean-Jacques Valleton (1841-1916), et le sculpteur Jacques-Gaston Schnegg (1866-1953) conçurent « leurs » maisons à l’image de leur métier.



Les deux bâtiments se situent dans le quartier Saint-Seurin l’un donnant simultanément sur la rue Emile Fourcand et la rue du Colisée, l’autre se situant plus en périphérie du quartier au 9 de la rue Albert Barreau . Ce quartier de la ville de peuplement bourgeois au XVIIIème siècle (ancienne famille du milieu viticole en particulier), mais aussi lieu des intellectuels et architectes. De cette manière, Jean-Jacques Valleton résida dans ce quartier a proximité des ruines du Palais Galien. Il s’agit d’un architecte bordelais, il a réalisé de nombreuses constructions dans la ville, notamment l’hôpital Charles Perrens. Il s’inscrit dans la veine architecturale d’Eugène Viollet-le-Duc, et fut l’élève de Paul Abadie (connu pour le Sacré Cœur à Paris, mais qui a aussi pensé l’église Saint-Ferdinand, dans le quartier Saint-Seurin). Son style, malgré son attrait pour le moyen-âge, est sobre et rationnel, cependant cela ne l’empêche pas de placer des figures de chats comme signature dans ses réalisations (16, rue Saint-Etienne, 109, rue Jean-Soula et dans la chapelle de l’hôpital Charles-Perrens, dans le lycée Camille-Jullian).

Chat de pierre du 16 rue Saint-Etienne

La maison abrite deux façades principales, une débouchant sur la rue Emile-Fourcand (n°7), et l’autre sur la rue du Colisée (n°8). Le mur côté rue du Colisée est orienté nord, choix stratégique en terme d’éclairage, puisqu’il héberge le cabinet à dessin. Ces deux faces permirent au propriétaire de déployer son univers (le moyen-âge et les compagnons) de deux façons différentes, donnant ainsi à son architecture une certaine richesse d’exploitation. En effet, la face en direction de la rue Emile-Fourcand est conçue davantage au travers du volume : du fait de la forme de l’immeuble, mais aussi dans les éléments statuaires qui sont ajoutés. D’abord, la niche, qui abrite la statue de la personnification de l’architecture. On la reconnaît à ses attributs : un bâtiment dans une main (ici une église) et un compas dans l’autre. La niche est composée de multiples éléments : une colonne, qui supporte la statue, elle est surmontée d’une tourelle d’angle crénelée (un créneau étant l’ouverture formant les "carrés" au dessus des remparts), elle-même surmontée par un fleuron telles les églises gothiques. Puis, les fenêtres qui sont encadrées de motifs en bas reliefs.

7 rue Emile Fourcand

Si l’on retourne du côté Colisée, la sculpture est moins présente, seul la porte, la travée centrale, et la frise de la corniche en contiennent. Son style généralement sobre est notable ici, et la disposition des parties sculptées est pensée de manière rationnelle. Comme mentionné précédemment, le thème abordé par l’architecte est explicitement le moyen-âge, mais par n’importe lequel, celui imaginé par le XIXème siècle. Ce moyen-âge est rempli de chimères, de créatures, se mélangeant à des motifs inventés ou inspirés de l’antique, qui sont observables sur les deux façades. Par exemple, les larmiers qui ont pour fonction de protéger une fenêtre, ou une porte, sont en forme de créneaux (ce qui existait bien au moyen-âge), mais s’étendent telle une frise. Ce sont dans ces petits détails que l’architecture nous parle. Dans ce même thème se classe le milieu du compagnonnage, créé durant la période médiéval. Il est visible au travers des motifs sur l’élément en saillie entre le rez-de-chaussée et le premier étage, au niveau de la travée centrale, ainsi que sur la frise en céramique qui contient au centre un chapiteau, afin d’exposer son métier. Le savoir-faire de l’architecte dans cet édifice est omniprésent.

Atlante de la maison Schnegg

Gaston Schnegg est un sculpteur issue d’une famille d’ébéniste hongroise (Bavière). Sa famille acquiert le 13 mars 1885 cette maison, y emménage, et Schnegg le fils amorce peu de temps après les travaux, pour la décoration extérieure. Il est connu pour avoir collaboré avec Rodin, suite à l’exposition universelle de 1900, ainsi que pour avoir constitué "la bande à Schnegg", un célèbre groupe de sculpteurs, avec son frère Lucien. La façade, est a priori structurée de manière classique : symétrie des fenêtres et des frontons, présence d’un entablement, balustrade chargée ( comme à l’époque baroque). Le médaillon entre les ouvertures du deuxième étage présentant son portrait, et l’atlante qui "supporte" la balustrade, sont davantage de formes inspirées de l’architecture classique. Cependant, en se penchant plus près, les créatures et chimères déjà mentionnées apparaissent sous nos yeux, et tout un imaginaire médiéval s’ouvre à nous. L’atlante, qui est la figure principale, dégage une certaine tristesse, fatigue de porter tout ce poids sur lui. Schnegg est connu pour cela : faire ressentir l’émotion de ces personnages au spectateur. Est-ce sans doute l’une des raisons pour laquelle Rodin l’accepta dans son atelier. A l’instar de Valleton, il montre sur sa façade sa virtuosité et son savoir technique.

Sources :
►FRANCIS BAUDY, JACQUES CLÉMENS, Saint-Seurin : Bordeaux, Ed. Sutton, 2011.
PHILIPPE PRÉVÔT, RICHARD ZÉBOULON (photo.), Bordeaux secret et insolite : la face cachée du port de la lune, Ed. Les Beaux Jours, 2017.
►PIERRE BARRÈRE, « Les quartiers de l’agglomération bordelaise (partie 2) : les faubourgs résidentiels de la rive gauche » [article], Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen, 1956, p. 161-194.
►PIERRE BARRÈRE, « Les quartiers de l’agglomération bordelaise (partie 1) » [article], Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen, 1956, p. 5-40
►Site infonie.fr.
►Site du musée des Beaux-Arts de Bordeaux.


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