Bordeaux
« La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’adultes » (Paroles d’un prêtre confesseur, rapportées par André Malraux). Malgré la chute d’un Empire, le naufrage de deux républiques, le séisme de deux guerres mondiales, les révolutions biologiques et numériques, l’îlot d’insouciance, de rêve et d’anticonformisme offert par Guignol, ce tendre anarchiste à la tête de bois, a perduré, indémodable, abritant de génération en génération l’enfant qui subsiste en chacun de nous.
La famille Guérin …
Depuis 1840 dans le droit fil de son grand frère lyonnais et de la Commedia dell’arte, la famille Guerin de pères en fils à travers Guignol et le Théâtre Saint Antoine a été à Bordeaux l’indispensable pilier de ces traditions, lesquelles ont peuplé et souhaitons-le pour de longues années encore, les rêves des jeunes de notre région, qu’ils soient espiègles, bavards, intimidés et même parfois légèrement effrayés en présence des marionnettes. Le Théâtre Saint Antoine a été fondé en 1858. Sa façade décorée de trois toiles peintes à la main s’étirait sur 25 mètres. Un deuxième théâtre remplaça le premier, devenu vétuste. Tastet décorateur du Grand-Théâtre peignit avec l’autorisation de la mairie les toiles qui représentent la tentation de Saint-Antoine. On pénétrait dans ce théâtre par deux portes situées de chaque côté. A droite du théâtre, un limonaire enchainait les éternelles rengaines populaires.
La place des Quinconces …
En 1858, pour la première fois, il est monté sur la place des Quinconces, côté Allées de Chartres. Etienne Guérin annonçait le spectacle et sonnait la grosse cloche. Plusieurs théâtres Saint-Antoine vont se créer en France vers la fin du XIXème siècle et nombre d’écrivains les fréquentent : Flaubert, Guy de Maupassant, George Sand. Au début de sa création, le Théâtre Saint Antoine présente des pièces théologiques : La Résurrection de Jésus-Christ en cinq tableaux, la Tentation de Saint-Antoine, suivies de projections de lanterne magique, de peintures sur verre. En 1894, le spectacle du Théâtre Saint Antoine s’enrichit de fantoches anglais, puis se termine par la Passion. Elle fut plus tard supprimée pour ne garder que la Tentation de Saint-Antoine.
Le Centenaire …
En 1958, le Théâtre Saint-Antoine fête son centenaire. Un lunch est offert à la Foire sur toute la longueur du théâtre. La municipalité et tous les forains sont invités. En 1973, c’est la rencontre avec Jean-Louis Barrault. Celui-ci avoue sentir « qu’il a l’âme d’un mime, un mime fait pour s’entendre avec les marionnettes ». Assis entre Patrick et Philippe Guérin, il dialogue tandis que Saint-Antoine s’agenouille, chapelet autour de la taille et paumes des mains tournées vers le ciel. Il prie. Difficile de trouver plus grand hommage à la famille Guérin que celui rendu par cet immense artiste. La rencontre eut lieu en octobre 1973.
Source : GUIGNOL GUERIN
Michel Suffran – Jeanne Brannens
Les Dossiers d’Aquitaine
Ecrit par Dominique Mirassou