Une époque troublée : la crise du IIIe siècle et l’Empire des Gaules

Au IIIe siècle, l’Empire romain traverse une période de profonds bouleversements. Entre invasions barbares, luttes internes et instabilité politique, Rome peine à maintenir son autorité sur les provinces occidentales. C’est dans ce contexte que naît l’Empire des Gaules (260-274), une entité sécessionniste fondée par le général Postumus et regroupant la Gaule, la Germanie, l’Hispanie et la Bretagne. Son but : défendre les provinces de l’ouest, souvent délaissées par Rome.

Burdigala (l’actuelle Bordeaux), alors une cité prospère de la Gaule Aquitaine, joue un rôle clé dans cette période agitée. Son importance stratégique et économique attire l’attention des dirigeants de l’Empire des Gaules. Parmi eux, un nom se détache : Tetricus.

Tetricus : un gouverneur malgré lui

Tetricus, aristocrate d’origine sénatoriale, devient gouverneur d’Aquitaine sous l’Empire des Gaules. Homme cultivé et administrateur expérimenté, il hérite d’une situation complexe : assurer la stabilité de la région tout en soutenant les ambitions de l’Empire gaulois. À Burdigala, il met en place des réformes pour maintenir le commerce et renforcer les défenses face aux menaces extérieures, notamment les incursions germaniques.

Mais en 271, à la mort de Victorin, successeur de Postumus, Tetricus est propulsé au sommet du pouvoir : il devient empereur de l’Empire des Gaules. Toutefois, cette ascension ne fait qu’accroître les difficultés. L’empire est fragilisé par des révoltes internes et les légions romaines fidèles à l’empereur Aurélien.

Tetricus, le dernier gouverneur de Burdigala : entre pouvoir et déclin

Illustration d’une ville antique en déclin, avec des bâtiments romains partiellement en ruines, des colonnes brisées et des rues désertes. Le ciel est sombre, avec des nuages gris évoquant une atmosphère de fin d’ère.

Une administration sous tension

À Burdigala, l’influence de Tetricus se manifeste à travers plusieurs décisions administratives. La ville, réputée pour son activité commerciale et son port sur la Garonne, reste un centre névralgique du commerce du vin et des produits agricoles. Le gouverneur veille à la continuité des échanges et à l’entretien des infrastructures, mais doit aussi gérer les tensions avec les notables locaux, certains préférant le retour de l’autorité romaine.

Les fortifications de la ville sont renforcées pour parer aux attaques éventuelles. L’armée locale, constituée de légionnaires et d’auxiliaires gaulois, est réorganisée, bien que les moyens restent limités face aux menaces cumulées : pillards francs, conflits internes et pression des troupes impériales.

La chute de Tetricus et ses répercussions sur Burdigala

En 274, la situation devient intenable. L’empereur Aurélien, déterminé à restaurer l’unité de l’Empire, mène une campagne décisive contre l’Empire des Gaules. À la bataille de Châlons, Tetricus, affaibli par les révoltes et les désertions, est vaincu. Une légende raconte qu’il aurait secrètement négocié sa reddition avec Aurélien pour éviter un massacre inutile.

Après sa capture, Tetricus est paradoxalement bien traité : loin d’être exécuté, il reçoit un poste administratif en Italie, preuve de la clémence d’Aurélien envers les élites gauloises. Burdigala, quant à elle, revient dans le giron romain. Si la ville échappe à une destruction, elle subit néanmoins une période d’instabilité, avec une réorganisation administrative et une surveillance accrue par les autorités impériales.

Un héritage contrasté

Si Tetricus reste une figure controversée, son rôle dans l’histoire de Burdigala est indéniable. Gouverneur devenu empereur, il a tenté de préserver une région en crise, malgré des moyens limités. Son règne marque l’un des derniers soubresauts de l’autonomie gauloise avant la centralisation impériale.

Aujourd’hui, son nom résonne peu dans la mémoire collective, éclipsé par des figures plus célèbres. Pourtant, son passage à Burdigala témoigne d’un moment clé de l’histoire bordelaise, où la ville, entre fidélité à Rome et ambitions gauloises, a su traverser une période de chaos sans perdre son dynamisme commercial et culturel.

À travers les siècles, Bordeaux a su tirer parti de ces héritages romains pour construire son identité. Tetricus, bien que méconnu, reste une pièce du puzzle historique de cette ville au passé aussi riche que mouvementé.
Pour aller plus loin :

Histoire de Bordeaux sous la direction de M. Figeac. Éditions Presses universitaires de Rennes, 2019.