Bordeaux

Un conserveur poète bordelais : Paul Dandicolle

Il y a cent ans, le 31 décembre 1917, disparaissait Paul Dandicolle, né quai Galuperie à Bayonne en 1838. Surprenant parcours qui va le conduire des bords de l’Adour à la Gironde tout en cultivant l’art des lettres.



Consul du Nicaragua et amateur de rimes, il nous a laissé de Sapho une douce image que ses adeptes récusent vigoureusement, s’interrogeant sur la nature de cet homme dont les vers paraissaient pourtant exquis à d’autres. Les vers de Paul Dandicolle feront l’objet d’une première publication en 1905 sous le titre Sonnets Antiques et Modernes, avant d’être régulièrement publiés dans La Voix des Muses , une revue littéraire et artistique du Sud-Ouest. En 1917, il publie Le Gros Lot, une comédie en trois actes en vers, à la suite de Petits Poèmes accompagnés d’une Légende Epique qui se veut retracer l’histoire familiale depuis les croisades, prenant parfois des libertés avec la réalité, mais qu’importe puisque le plaisir de versifier était le plus fort ! A son décès, un drame en quatre actes L’Espion , était en cours d’édition et une autre pièce, en quatre actes également, L’Honnête Femme , était en préparation.

(Coll. de l’auteur)

Ces talents d’écriture semblent de famille : son neveu Pierre Dandicolle est l’auteur de Fragments en Prose publiés en 1912. L’arrière-petit-fils de Paul, Jean-Renaud Dandicolle, résistant bordelais bien connu, est l’auteur en 1943 d’un roman philosophique traitant de l’immortalité de l’âme : Le Voyage de Bali .
La grande affaire de Paul Dandicolle fut cependant son aventure industrielle : associé avec François Hector Gaudin dans l’affrètement maritime et dans le commerce des vins et spiritueux au milieu des années 1850, l’activité évolua à partir de 1872, ex nihilo, vers la production de conserves alimentaires. Au décès d’Hector en 1873, l’association se poursuivit avec son frère cadet Eugène sous la même raison sociale P. Dandicolle fils & Gaudin aîné. Les associés installent leur usine bordelaise 18 quai des Queyries où la production démarre en 1874. Cette usine ne cessera d’être développée pour constituer un vaste ensemble cohérent produisant des conserves de viandes et légumes, des fruits au jus et des confitures, de la moutarde, etc. Les produits Dandicolle & Gaudin sont vendus sur les cinq continents, de Californie jusqu’en Russie, d’Argentine jusqu’en Inde.

L’usine du quai des Queyries (Coll. de l’auteur).

Assez rapidement, des implantations pour la production de conserves de poissons, sardine et thon, sont réalisées à Croix-de-Vie, à Gujan, à Douarnenez et à Groix. En 1885 la société installe un atelier de production de conserves de champignons à Saint-Emilion dans les bâtiments connus sous le nom d’ancien Hôpital, et à Gauriac, au lieu-dit de Vitescale, un chai de vieillissement de vins

Le personnel de l’usine de Saint-Emilion en 1912 (Archives Mairie de Saint-Emilion).

Cette croissance rapide nécessite d’importants capitaux que les associés trouveront en 1889 en Angleterre auprès de financiers qui exigeront une structure de droit anglais pour loger leur investissement. Ainsi les actifs sont transférés à une société nouvelle Dandicolle & Gaudin Ltd basée à Londres, mais les lieux d’activité restent les mêmes. A l’issue de ces opérations, Paul Dandicolle et Eugène Gaudin perdent la majorité. La société installe de nouveaux ateliers à Audierne, à Biarritz, émigre, tout comme ses concurrents, en Espagne et au Portugal pour tenter de contrer les mauvaises saisons de pêche sur les côtes bretonnes. La société est présente dans les expositions nationales et internationales et obtient de nombreux diplômes et médailles, dont des médailles d’or à Paris en 1889 et à Saint-Louis en 1904.

Papier en-tête utilisé jusque dans les années 1920 (Coll. de l’auteur)

Pour des raisons qui ne paraissent pas très claires, la société de droit anglais sera liquidée fin 1905 et remplacée par une structure de droit français, les Etablissements Dandicolle & Gaudin. Eugène Gaudin est décédé en 1900, Paul Dandicolle ne détient que quelques actions, mais partage jusqu’en 1909 la direction technique avec Bertrand Fouga qui a apporté lors de la constitution son usine de conserves sise à Talence. Après la première guerre mondiale au cours de laquelle Dandicolle & Gaudin aura traité des marchés considérables de fourniture de conserves de viandes et de confitures et compotes, la société produira en Algérie des conserves de sardines, à Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor et à Bannalec dans le Finistère des conserves de légumes, petits pois et haricots verts. La chute des cours et la crise économique d’après-guerre affectent fortement la situation financière des producteurs de conserves et va provoquer un mouvement de concentration de la profession.

Carte postale publicitaire de la société émise lors de l’Exposition maritime internationale de Bordeaux en 1907 (coll. de l’auteur).

En 1928 – 1929, la filiale française de la société anglaise Crosse & Blackwell acquiert la totalité des actions Dandicolle & Gaudin et finalise un accord avec le bordelais Rödel & Fils Frères : Crosse & Blackwell va en prendre le contrôle à la faveur d’une augmentation de capital. Cependant, les choses vont mal tourner pour les deux partenaires : la filiale de Crosse & Blackwell est mise en liquidation en 1929 ou 1930. Rödel & Fils Frères, qui fait face à d’importantes pertes, acquiert les actions Dandicolle & Gaudin et doit rembourser à Crosse & Blackwell les avances de trésorerie que ceux-ci avaient consenties. En juillet 1932, l’assemblée générale extraordinaire de Rödel & Fils Frères décide la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable. En décembre 1933, le bordelais Ets A. Dufour & Cie acquiert le nom commercial de Dandicolle & Gaudin, ses marques de fabrique et l’usine de Bannalec. Pour marquer cette étape importante dans son propre développement, les Ets Dufour & Cie changeront leur nom en Conserveries de Bordeaux. Vidés de leur substance, les Ets Dandicolle & Gaudin deviennent une structure de défaisance de leur parc immobilier sous le nom de Société Immobilière de Queyries.

En-tête après le rachat de la marque par A. Dufour SA en 1933, devenu Conserveries de Bordeaux début 1934 (Coll. de l’auteur).

Les Conserveries de Bordeaux, sous la direction de Marc Blanchy, poursuivront leur activité jusqu’à leur absorption le 1 er janvier 1953 par les Conserveries de France qui avaient également absorbé la société Price de Bordeaux. Le nom commercial de Dandicolle & Gaudin disparaît définitivement. Les Conserveries de France seront à leur tour acquises en 1961 par UPV, l’Union Production Vente, qui fusionnera en 1965 avec France Uni-Conserves pour former la Compagnie Générale de Conserve. Celle-ci sera acquise en 1975 par CECAB qui se rapprochera en 2010 du belge Pinguin avant de fusionner en 2015 avec l’Union Fermière Morbihannaise. Ce nouvel ensemble conservera le nom de CECAB avant de prendre celui de Groupe d’Aucy... Ainsi, une entreprise familiale nous a-t- elle conduits du milieu bordelais de la conserve alimentaire à l’univers mondial du métier de conserveur.
L’auteur recherche tous renseignements sur les ateliers de Saint-Emilion (après 1912) et de Biarritz (début d’activité entre 1890 et 1905). Merci de le contacter à l’adresse
Thm.autoedition@gmail.com

Photo de une : Bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, cote EST 238 PF

Ecrit par Thierry Montouroy


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