Bordeaux
Michel Serres est venu à Bordeaux, dans les salons de la librairie Mollat, présenter son dernier livre.
Michel Serres aime à rappeler qu’il vient du Sud-Ouest. Mais il habite Vincennes et enseigne à la prestigieuse université américaine de Stanford en Californie. C’est de cette nouvelle manière d’habiter le monde qu’il est venu nous parler dans les salons Albert Mollat à Bordeaux accueilli comme d’habitude par une foule d’admirateurs.
- photo Bordeaux Gazette - Mireille Rajoely
La révolution invisible qui s’est produite ces dernières années est d’après Michel Serres, celle de l’habiter. Notre rapport à l’espace a changé : nous sommes passés de l’espace euclidien qui est en gros celui du cadastre à un espace topologique qui se définit par un voisinage. Or, chacun est aujourd’hui le voisin de tout autre sur la Terre. Le message électronique que j’envoie, l’appel passé sur et vers un téléphone portable annule toute distance entre moi et un habitant de Nouvelle Zélande qui ne se trouve pas plus loin de moi que mon voisin de palier puisque je peux les joindre l’un et l’autre de la même façon. Cette redéfinition de l’espace est par voie de conséquence une redéfinition de ce qu’est habiter. Car nous n’habitons plus seulement une maison physique mais également cet univers topologique qui devient notre univers de référence au point que nous sommes désormais des homo mobilis et non plus des homo sapiens sapiens. De là vont découler un ensemble de conséquences. Ces conséquences, trop longues à énumérer et à analyser ici, sont pourtant suspendues au fait majeur que l’humanité a, chemin faisant, oublié le monde concret qu’elle exploite sans limite. Or, ce dernier nous rappelle à son bon souvenir. Les ressources énergétiques dont nous dépendons pour nos trajets réels et virtuels viendront à manquer alors que notre aveuglement les a comptées comme infinies et nous obligerons à redéfinir notre manière d’habiter le monde. Nous sommes dit Michel Serres, à la croisée des chemins et il est possible que nous redevenions brutalement des hommes du 18ème siècle, statiques et attachés à un lieu plutôt que des hommes de cet espace flottant que nous avons construit et que nous habitons. Car Michel Serres y insiste, habiter un lieu est la première condition (chronologique et logique) de l’homme, condition que l’étymologie ancienne du mot « habiter » rappelle en faisant référence à l’utérus de la mère. De cette révolution globale qui touche et attend l’humain doivent aussi émerger une nouvelle morale (moi et mon prochain) et une nouvelle politique (quel est le « nous » qui définit notre communauté ?).
Pour traverser et se laisser guider par l’érudition intelligente et humaniste de Michel Serres dans toutes ces questions, ne manquez pas ce livre :
Habiter
Michel Serres
192 pages
éditions Le Pommier.
39€

Ecrit par Marc
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