Bordeaux
A la veille des fêtes, le choix d’un crémant pour la dernière réunion de l’année 2016 du club Edouard Féret s’imposait. Aussi Corinne Lateyron fut invitée le vendredi 1er décembre à présenter ses vins à la librairie de la Comédie-Féret. Antoine Lebègue dont le dictionnaire du vin connaît sa troisième réédition (sous le titre « Le vin de A à Z »chez Dunod) et dont « Les vins de Bordeaux » et le « 101 bordeaux » (chez Hachette et Dunod viennent d’être publiés en Chine et Taïwan) fait le point sur les crémants. Des vins dont la percée actuelle est étroitement liée aux Lateyron et tout particulièrement à Corinne.
Une fois encore Bruno Boidron, directeur des éditions Féret et du club Edouard Féret, a montré sa parfaite connaissance du monde du vin bordelais en choisissant Corinne Lateyron pour présenter les crémants. Il est vrai que son nom s’imposait à l’évidence, tant son vin est le meilleur effervescent girondin. Moi-même dans le livret du vin sur les bordeaux j’avais sélectionné le lateyron pour représenter les crémants. Paradoxalement ces bulles viennent d’une région de rouges : le Saint-Emilionnais. Une situation qu’explique peut-être une particularité de la région. On constate en effet que les pionniers en matière de vins effervescents se sont tous trouvés sur la rive droite de la Dordogne. A commencer par la famille Lateyron qui en produit depuis 1897 ou par l’oncle du commandant Cousteau, établi à Saint-André-de-Cubzac. Or partout dans cette partie de la Gironde on constate la présence de vastes caves souterraines qui se prêtent bien à l’élaboration de vins effervescents et qui ne sont pas sans rappeler les galeries du sous-sol champenois.
Chez les Lateyron la production d’effervescents (bordeaux méthode champenoise hier, crémants aujourd’hui) est une vieille histoire. Mais avant de s’occuper la maison familiale Corinne suit un parcours qui la mène loin du Libournais. Ses études d’œnologie achevées elle fait un stage en Champagne, ce qui n’a rien de surprenant. Ensuite, la place des femmes dans le vignoble bordelais n’étant pas évidente dans les années 1980, elle s’exile. D’abord en haute Provence dans les coteaux de Pierrevert pour résoudre les problèmes d’un producteur d’apéritif à base de vin dont les produits refermentent ; puis en Argentine. Enrichie de ses expériences, qui viennent fortifier ses solides bases bordelaises, en 2007 elle rejoint l’entreprise familiale où elle s’occupe de la partie technique pendant que son frère se charge de l’aspect commercial. Son arrivée se traduit par une montée en qualité de la production pour arriver à la belle gamme actuelle de crémants.
Chaque vin possède sa propre personnalité ; mais tous partagent de nombreux points communs. A commencer par la finesse des bulles qui forment un joli chapelet remontant ver la surface où elles dessinent une belle couronne. L’autre point commun des lateyron est leur complexité aromatique qui marie les fleurs blanches aux fruits jaunes et blancs, dont la pêche. Enfin un beau volume apparaît au palais qui peut être plus ou moins rond et gras mais reste toujours ample et puissant. Au total les crémants de Corinne Lateyron sont des vins d’une grande fraîcheur avec un beau fruité. Certains, dont la cuvée Abel, sont même capables de rivaliser avec des champagnes comme l’a démontré la dégustation du club Edouard Féret. Toutes ses qualités font de sa production la référence en matière d’effervescents en Bordelais, un titre que justifient aussi ses innovations pour faire évoluer les méthodes des producteurs girondins. Elle a été notamment la première à élaborer un blanc de noir et un millésimé. Par les nombreuses expériences qu’elle a réalisées à Bordeaux comme en haute Provence où en Argentine, où elle conseille plusieurs vignobles, Corinne Lateyron prouve qu’« il y a encore de la magie dans le vin » comme l’a rappelé Bruno Boidron en conclusion de la dégustation.

Ecrit par Antoine Lebegue
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