Bordeaux
Dans une ville qui se prévaut de la « Place des grands hommes », il va de soi que de nombreuses personnalités eurent un rapport étroit avec Bordeaux.
Citons-en quelques unes par ordre chronologique : D’abord, au XIV, une époque où Bordeaux était sous la domination anglaise, Bertrand Got (de Got, de Goth ou de Gotz) propriétaire vinicole et archevêque de Bordeaux devient pape en 1303 sous le nom de Clément V et s’installe naturellement en Avignon. Dans l’ordre chronologique : Montaigne (XVI siècle), Montesquieu (XVIIème), Mauriac (XXème siècle) incarnent chacun une particularité reconnue de Bordeaux : les écrivains, les philosophes et les poètes. Enfin, de nos jours, Philippe Sollers et sa gouaille, Jean Cayrol, poète et Saint John Perse avec toute sa richesse intellectuelle.
Tout commence en Guadeloupe où la famille Saint-Léger est établie depuis le XVIIIème siècle en tant que planteurs et officiers de marine. En 1887 né celui qui allait devenir Alexis Léger. Son enfance se déroule à Pointe-à-Pitre, très vite elle révèlera un élève hors norme. En 1899, la famille part pour la France et s’installe à Pau pour y découvrir la montagne majestueuse, Il décroche tous les prix d’excellence dans quasi toutes les matières. En 1905, il continue ses études à Bordeaux, puis en faculté de lettres, de médecine, de grec et du droit. Très vite les personnalités les plus respectables dans le domaine de la poésie et de la philosophie s’intéressent à ce précoce étudiant : Claudel, Gabriel Frizeau, Francis Jammes, Jacques Rivière.
Alors, commence son œuvre, il s’installe à Paris pour se rapprocher de ses nouvelles connaissances et voyagera dans tous les pays du Japon aux Etats Unis. Désormais, il est publié, reconnu, demandé. Son œuvre se diversifie en sept grands poèmes : Eloges, Anabase (l’ascension, la montée), exil, Vents, Amers, Chroniques, Oiseaux. Ce sera désormais sa vie, une vie pleine récompensée par le prix Nobel décerné en 1960, il s’éteindra en 1975, à l’âge de 88 ans en laissant une œuvre bien différente de celles de Paul Valéry ou René Char mais tout aussi belle.
- Musée Saint John Perse à Pointe à Pitre
Voici trois extraits, tout lecteur doit ressentir la puissance des mots.
1/ Saint John Perse, le poète de la mer
« …Comme celui qui se dévêt à la vue de la mer, comme celui qui s’est levé pour honorer la première brise de terre ( et voici que son front a grandi sous le casque),
« Les mains plus nues qu’à ma naissance et la lèvre plus libre, l’oreille à ces coraux où gît la plainte d’un autre âge,
« Me voici restitué à ma rive natale…Il n’est d’histoire que de l’âme, il n’est d’aisance que de l’âme.
« Avec l’achaine, l’anophèle, avec les chaumes et les sables, avec les choses les plus frêles, avec les choses les plus vaines, la simple chose, la simple chose que voilà, la simple chose d’être là, dans l’écoulement du jour…
« Mais qu’est-ce là, oh ! qu’est-ce, en toute chose, qui soudain fait défaut ?... »
2/ De la métaphore à la Métonymie
« Ô Pluies ! lavez au cœur de l’homme les plus beaux dits de l’homme : les plus belles sentences, les plus belles séquences ; les phrases les mieux faites, les pages les mieux nées.
Lavez, lavez, au cœur des hommes, leur goût de cantilènes, d’élégies ; leur goût de villanelles et de rondeaux ; leurs grands bonheurs d’expression ;
Lavez le sel de l’atticisme et le miel de l’euphuisme, lavez, lavez la literie du songe et la litière du savoir : au cœur de l’homme sans refus, au cœur de l’homme sans dégoût,
Lavez, lavez, ô Pluies ! Les plus beaux dons de l’homme… au cœur des hommes les mieux doués pour les grandes œuvres de raison. »
3/ Face à la mort (dans « Chroniques »)
« Grand âge, nous voici. Fraicheur du soir sur les hauteurs, souffle du large sur tous les seuils, et nos fronts mis à nu pour de plus vastes cirques ….
Grand âge, vous mentiez : route de braise et non de cendres … La face ardente et l’âme haute, à quelle outrance encore courons nous là ?
Grand âge nous voici, sur nos routes sans bornes. Claquement du fouet sur tous les cols ! Et très haut cri sur la hauteur ! Et ce grand vent d’ailleurs à notre encontre l’homme sur la pierre comme l’araire sur la glèbe.
Ecrit par Serge Sampoux